Les infrasons une arme invisible et inaudible…
Publié par Dav sur 12 Décembre 2012, 22:21pm
Catégories : #Environnement
Les armes acoustiques, infrasons insupportables dirigés vers les véhicules, les bâtiments ou résonant dans les boîtes crâniennes, sont des armes très efficaces.
Les infrasons sont moins connus que les ultrasons car ils sont moins utilisés, plus rares et plus difficiles à produire.
Si situant sous les 15 cycles par seconde, les infrasons sont inaudibles pour l'homme mais par contre se font sentir car s'ils échappent à notre ouïe, ils enveloppent tout notre être.
Le danger, c'est qu'au dessous de 7 cycles/secondes l'émission d'infrasons est mortelle. Un cas à peu près similaire s'est présenté au Laboratoire Électroacoustique de Marseille où, en 1957, le Dr Gavreau et son équipe de chercheurs ont un jour commencé à ressentir de violents maux de tête, des nausées et différents troubles d'origine inexplicable.
Après de longues recherches, le Dr Gavreau finit par en trouver l'origine, une origine extérieure ; il s'agissait d'un ventilateur situé à l'extérieur du bâtiment, qui était fixé à ses supports dans une gaine d'aération.
De ce fait, ce moteur à rotation lente émettait des vibrations nocives, qui, après avoir été mesurées, donnaient des fréquences de très faible intensité, soit 7 cycles par seconde. Si basse d'ailleurs qu'aucun détecteur courant ne pouvait les mesurer.
Par la suite, des faits semblables ont été détectés dans une foule de bâtiments. Dans le cas présent, le Dr Gavreau et son équipe firent de nombreux tests avec ce ventilateur, faisant varier la fréquence. Or, ces expériences étaient extrêmement dangereuses car les agressions infra soniques sur l'organisme se font insidieusement et dans un silence total.
A la suite de ces tests et malgré les précautions, le Dr Gavreau et les membres de son équipe tombèrent gravement malades (spasmes cardiaques, intestinaux et pulmonaires, troubles de la vision). L'équipe poursuit néanmoins ses recherches et fit de nombreuses découvertes dans la gamme infrasonique inférieure à 10 cycles/secondes et l'on sait que les fréquences mortelles se situent au dessous de 7 cycles.
Certes on ne saura jamais si cette équipe scientifique travailla à la réalisation d'une super-arme à ultrasons mais ce n'est pas ici notre propos car nous voulions seulement citer cette voie de recherche, une voie qui explora quelques décennies avant cet extraordinaire génie méconnu que fut le Dr Nicolas Tesla.
Cependant, pour ce qui nous concerne, il est important de savoir que les infrasons sont un phénomène fréquent et naturel qui fait partie de notre vie quotidienne et de notre environnement. Leur perception, suivant la hauteur, a une action évidente sur notre organisme ; les phénomènes naturels sont eux-mêmes de puissants générateurs d'infrasons : chutes d'eau, vent, aurores boréales, tonnerre, séismes, éruptions volcaniques, vagues océaniques, etc...
Par exemple, l'explosion du Krakatoa généra une extraordinaire onde infrasonique qui fit voler en éclats, à des centaines de kilomètres, les vitres des fenêtres et cette onde perdura durant plusieurs minuit
De même, certains séismes génèrent de grands déplacements verticaux de la surface du sol de plusieurs centimètres à chaque pulsion martelée par les infrasons ; des ondes infra soniques que les animaux par exemple ressentent particulièrement.
Certaines personnes sensibles ressentent aussi ce martèlement des ondes sismiques infra soniques, qui provoquent chez elles anxiété et nausées.
Autre type de phénomène infrasonique, celui des vagues océaniques dont le martèlement produit une énergie acoustique de 16 cycles/seconde. D'autres phénomènes acoustiques étranges sont connus sous le nom de "canons des lacs", "canons de brume", "canons de Barisa", ces phénomènes se traduisent par des sons périodiques bizarres qui se manifestent dans des environnements particuliers et qui font vibrer les vitres et parfois même secouent des bourgades.
L'origine en est inconnue (masses d'eau, couches souterraines ?) et l'on sait qu'avec les infrasons, il y a difficulté à en localiser la source émettrice. Il existe d'ailleurs une belle bibliographie de ces phénomènes étranges. Certains chercheurs pensent que la production d'infrasons pourrait trouver sa source au delà des masses d'eau et des couches souterraines.
Signalons encore que les explosions solaires et les pulsations des vents solaires produisent dans l'atmosphère d'importants battements infra soniques, certains bruits aériens ressemblant à celui du tremblement de terre, alors que les aurores boréales s'accompagnent de grésillements aigus et de battements profonds.
Les infrasons peuvent parcourir de longues distances sans s'atténuer, en maintenant leur pression initiale et en provoquant des symptômes physiologiques et psychiques (angoisse, dépression, irritabilité, tension émotionnelle, nausées, diarrhée,...) rien en fait n'arrête la propagation des infrasons, même pas les vents et les tempêtes qui peuvent eux-mêmes en engendrer.
"Des objets de toutes natures, formes et tailles explosent lorsque l'impulsion infrasonique traverse leur espace".
Dans notre vie de tous les jours il faut savoir que voitures et avions émettent des infrasons, ainsi que les bus, les trains et les motos ; tous sont susceptibles d'émettre des infrasons d'intensité nocive avec pour chaque mode de transport sa propre fréquence infrasonique acquise en fonction des frictions mécaniques et des résistances.
Même dans des théâtres, des concerts on a vu se développer des infrasons ; ainsi le basson profond d'un orgue pulvérise verres et vitraux comme peut le faire les trilles d'un soprano.
On sait également que les corps des pilotes de jets ou d'engins spatiaux sont saturés par de puissantes vibrations infra soniques qui réduisent les réflexes des pilotes mais peuvent aussi mettre sa vie en danger ; c'est la raison pour laquelle l'armée impose des limites aux temps de vol. En effet les infrasons provoquent des troubles divers qui affectent la vision, la parole, l'équilibre, l'orientation.
De nombreux chercheurs, civils et militaires se sont intéressés aux infrasons.
Gavreau dans le domaine de la robotique, d'autres dans le domaine militaire ou dans différentes applications ; ce fut le cas de Nicolas Tesla qui utilisait des plateaux vibrants pour vitaliser et tonifier le corps dans des séances courtes et bien programmées, car un usage excessif pouvait au contraire rendre gravement malade.
Source : http://www.aci-multimedia.net/connaissance/infrasons.htm
Ses recherches en partie secrètes ont exploré la voix de la conception des armes à infrasons.
Le spectre d'audition humain va d'environ 20 à 20 000 Hz. Au delà de 20 kHz, nous n'entendons plus rien, de même en dessous de 20 Hz, du moins, avec notre oreille. En effet, si nous n'entendons pas les sons en dessous de 20 Hz, nous pouvons les ressentir, en particulier par notre cage thoracique.
Les infrasons donnent aussi rapidement une atmosphère prenante lorsque le niveau de pression est suffisant. La première moitié de la première octave perçue par l'humain, 20-30 Hz, est à la frontière entre l'infrason et le sous-grave et est caractéristique d'une impression à la fois auditive et physique qui donne cette sensation de présence et de poids.
Des études récentes ont par ailleurs montré que les infrasons jouent un rôle dans la communication chez l'éléphant.
Les tremblements de terre, éruptions volcaniques, tonnerre et autres démonstration de force de la nature produisent tous des infrasons à un niveau parfois extrêmement élevé, beaucoup plus que ce que l'homme est en mesure de pouvoir reproduire.
Le sous-grave et l'infra-grave ont la capacité de traverser les obstacles plus facilement que les haute fréquences, qui elles, sont vulnérables aux réflexions. Ce qui se traduit souvent par une très longue portée de l'énergie acoustique.
Exposé directement à une forte pression sonore dans ces basses fréquences, l'énergie peut être tel que la structure même d'un bâtiment se met en branle. À forte puissance, les infrasons peuvent avoir des effets destructeurs, tant mécaniques que physiologiques.
Des essais d'utilisation ont été faits pendant la seconde guerre mondiale par l'armée allemande.
À plus faible puissance, ils constituent une gêne physiologique importante pour les animaux et les humains pouvant produire, lors d'une exposition prolongée, un inconfort, une fatigue, voire des troubles nerveux ou psychologiques.
Source : Wikipédia.
Dans un milieu compressible, le plus souvent dans l'air, le son se propage sous forme d'une variation de pression créée par la source sonore. Un haut-parleur, par exemple, utilise ce mécanisme.
Seule la compression se déplace et non les molécules d'air, si ce n'est de quelques micromètres. Lorsque l'on observe des ronds dans l'eau, les vagues se déplacent mais l'eau reste au même endroit, elle ne fait que se déplacer verticalement et non suivre les vagues (un bouchon placé sur l'eau reste à la même position sans se déplacer).
Le son se propage également dans les solides sous forme de vibrations des atomes appelées phonons. Là encore, seule la vibration se propage, et non les atomes qui ne font que vibrer très faiblement autour de leur position d'équilibre.
La vitesse de propagation du son (on parle également de la célérité) dépend de la nature, de la température et de la pression du milieu. Comme l'air est proche d'un gaz parfait, la pression a très peu d'influence sur la vitesse du son.
Tout être vivant doté d'une ouïe ne peut percevoir qu'une partie du spectre sonore :
les physiologistes s'accordent à dire que l'oreille humaine moyenne ne perçoit les sons que dans une certaine plage de fréquences située environ (selon l'âge, la culture, etc.), entre 16 Hz (en dessous les sons sont qualifiés d'infrasons) et 20 kHz (au-delà les sons sont qualifiés d'ultrasons);
- le chat peut percevoir des sons jusqu'à 25 kHz;
- le chien perçoit les sons jusqu'à 35 kHz;
- la chauve-souris et le dauphin peuvent percevoir les sons de fréquence 100 kHz.
Certains animaux utilisent leur aptitude à couvrir une large bande de fréquences à des fins diverses :
- les éléphants utilisent les infrasons pour communiquer à plusieurs kilomètres de distance;
- les dauphins communiquent grâce aux ultrasons;
- les chauve-souris émettent des ultrasons (~80 kHz) avec leur système d'écholocation leur permettant de se déplacer et de chasser dans le noir total.
LES ARMES NON LÉTALES
par
David HUMAIR (*)
et
Christophe PERRON (**)
Le développement d’un armement et de concepts d’emploi de force non
létaux constitue indéniablement une tendance importante dans le domaine
militaire. Plusieurs pays, sous l’impulsion américaine, ont entamé des programmes de recherche sur les technologies militaires non létales et réfléchissent à leur engagement dans le spectre des opérations militaires. Si les forces de police utilisent depuis quelque temps déjà certaines capacités non
létales, dans le domaine du contrôle de foule notamment, l’intérêt accru des
forces armées pour les possibilités multiples de l’armement non létal est plus
récent. Les principales raisons de cet intérêt sont triples.
Premièrement, l’omniprésence des médias sur le champ d’opérations sanctionne rapidement le recours disproportionné à la force létale, puisque
l’excès est sans retard perçu par les téléspectateurs du monde entier, choqués par l’expression visuelle de la mort violente. La couverture médiatique
de la première guerre du Golfe, principalement télévisuelle, aura certainement été la «pierre angulaire dans l’histoire de la non-létalité» (1) : les images
désormais célèbres de la fameuse «Highway of death», où les aéronefs alliés
avaient réduit à néant des colonnes entières de véhicules et de soldats iraquiens fuyant le Koweït, ont choqué une partie importante de l’opinion
publique américaine et ont certainement eu un poids significatif dans la
décision de cesser les hostilités. En effet, dans une démocratie, le soutien de
l’opinion publique est une condition essentielle de la poursuite de l’effort
militaire et tout porte à croire que l’opinion publique est généralement hostile aux actions disproportionnées. Ainsi, ce facteur médiatique, que certains commentateurs américains ont qualifié de manière illustrative le
«CNN factor» (2), est devenu un aspect important de la planification mili-
(1) Major Mark R. Thomas, Non-lethal Weaponry : a Framework for Future Integration, Air Command
and Staff College, Air University, 1998, AU/ACSC/279/1998-04, p. 12, disponible sur le site Internet
www.fas.org/man/dod-101/sys/land/docs/98-279.pdf.
(2) Cf. par exemple Frank J. Stech, «Winning CNN Wars», Parameters, aut. 1994, pp. 37-56, disponible
sur le site Internet carlisle-www.army.mil/usawc/Parameters/1994/stech.htm.
(*) Collaborateur scientifique à l’état-major de planification de l’armée en Suisse.
(**) Ancien collaborateur scientifique à l’état-major de planification de l’armée en Suisse.
les armes non létales 727
taire et contraint, dans une large mesure, au respect du principe de proportionnalité dans la conduite des hostilités codifié en particulier dans le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève (3) : ce principe pose
qu’il faut préférer blesser à tuer, capturer à blesser et laisser libre à capturer. L’emploi d’armes non létales peut donc être un moyen efficace de minimiser l’impact des hostilités sur l’opinion publique et de respecter l’obligation juridique de proportionnalité.
Deuxièmement, d’une perspective occidentale, la nature de l’engagement
militaire a évolué : on n’assiste moins à des guerres interétatiques où
s’entrecroisent les glaives modernes des soldats citoyens et où le militaire
ennemi n’est que l’instrument de la stratégie d’un Etat, instrument qu’il est
légitime d’éliminer dans les limites du droit international; les conflits
actuels reflètent plus souvent les guerres occidentales du passé, intra-étatiques ou interethniques, caractérisées par l’effondrement de l’ordre civil. En
conséquence, que ses desseins soient la poursuite d’intérêts particuliers ou
des considérations humanitaires, l’action militaire occidentale s’inscrit
désormais essentiellement dans le cadre de l’intervention d’ingérence dans
laquelle l’intervenant se voit contraint de maintenir, compléter, rétablir ou
instaurer un ordre quasi civil. En outre, le théâtre des opérations prend de
plus en plus place dans les régions urbaines, denses en constructions et
population. Dans cette optique, il est manifestement avantageux, premièrement, de tirer profit des infrastructures existantes plutôt que d’assumer
les coûts exorbitants de reconstruction et, secondement, d’aliéner au minimum la population civile dont la coopération est indispensable à l’accomplissement de l’objectif politique. Or, l’une des particularités marquantes du
contexte d’intervention est l’absence de distinction claire entre combattants
et non-combattants : les forces armées intervenantes se trouvent dans la
délicate situation de ne pouvoir clairement identifier l’ennemi et de devoir
respecter des règles d’engagement toujours plus pointues, ne laissant que
peu de place à l’erreur en raison de la présence des médias. L’emploi
d’armes non létales offre aux commandants des possibilités supplémentaires
non négligeables d’éviter dans une large mesure les dégâts coûteux aux
infrastructures et de discriminer plus adroitement dans l’usage de la force
létale entre combattants et non-combattants, sans toutefois compromettre
la sécurité des propres troupes ou le succès de la mission.
Troisièmement, les progrès technologiques de ces dernières années ont
permis d’envisager, dans le domaine civil comme militaire, des possibilités
qui, il y a quelques décennies, eussent paru incroyables. Les programmes de
développement d’armes non létales n’auraient probablement pas pu bénéficier de l’essor qu’on leur connaît si ces avancées technologiques n’avaient
pas eu lieu. S’il est certainement vrai que les possibilités technologiques
(3) Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux (Protocole I) du 8 juin 1977.
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peuvent créer le besoin, le lancement du programme américain de développement d’armes non létales semble avoir eu un effet multiplicateur sur la
recherche mondiale dans le domaine. Quand bien même la plupart des
armes non létales destinées à l’usage militaire sont encore en voie de recherche et de développement ou en phase de test, certaines armes font cependant déjà partie des moyens à disposition des contingents militaires pour
l’instruction ou l’engagement.
Cet article, extrait d’une analyse de la Division de la planification prospective du Département de la défense suisse, propose un aperçu de quelques
aspects du développement de l’armement non létal. Il traite tout d’abord
de la définition de l’armement non létal, puis établit un catalogue des fonctions militaires que les armes existantes ou en phase de développement doivent remplir, avant de présenter quelques critères essentiels de l’engagement des armes non létales dans le contexte militaire. Comme le droit
international limite fortement le développement de certaines armes non
létales, en particulier les armes biologiques et chimiques, des considérations
juridiques sont discutées dans un chapitre final.
Qu’est-ce qu’une arme non létale?
L’expression «non létal» semble avoir un sens univoque : qui ne tue pas.
Dans le domaine de l’armement, la réalité est cependant quelque peu plus
complexe, car presque tout objet peut provoquer la mort si l’usage dont il
en est fait ne correspond pas au but pour lequel il a été créé. Par exemple,
il est possible de tuer un tiers au moyen d’une fourchette, même si le but
de celle-ci est de servir d’outil pour manger.
Le Département à la Défense américain a donné une définition des armes
non létales qui sert de base, mutatis mutandis, à tous les projets militaires de
développement dans ce domaine; cette définition lie la qualité d’arme non
létale non pas aux effets produits par l’arme elle-même, mais à l’intention du
concepteur de l’arme et à celle de son utilisateur de mettre hors d’usage des
personnes ou du matériel tout en minimisant le risque de létalité : «non-lethal
weapons that are explicitly designed and primarily employed so as to incapacitate personnel or materiel, while minimizing fatalities, permanent injuries to
personnel, and undesired damage to property and the environment. 1. Unlike
conventional lethal weapons that destroy their targets principally through blast,
penetration and fragmentation, non-lethal weapons only employ means other
than gross physical destruction to prevent the target from functioning. 2. Nonlethal weapons are intended to have one, or both, of the following characteristics :
a. they have relatively reversible effects on personnel or materiel; b. they affect
objects differently within their area of influence» (4). Il ressort clairement de
(4) Department of Defence, Policy for Non-Lethal Weapons, 3000.3 ASD (SO/LIC), 9 juillet 1996.
les armes non létales 729
cette définition que la létalité zéro n’est pas requise : si l’arme est employée
correctement et avec l’intention qui correspond à la destination de l’arme, elle
doit permettre de diminuer sensiblement la probabilité de causer la mort ou
des lésions permanentes. Ainsi, en termes juridiques, la définition n’impose
pas d’obligation de résultat : l’absence de létalité repose sur une intention de
conception.
La définition adoptée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord
va dans le même sens, l’élément intentionnel étant encore mis plus explicitement en évidence, même si celui-ci ne se rapporte qu’à la conception de
l’arme et non à l’utilisation de l’arme : «les armes non létales sont des armes
spécifiquement conçues et mises au point pour mettre hors de combat ou
repousser le personnel, avec une faible probabilité d’issue fatale ou de lésion
permanente, ou mettre hors d’état le matériel, avec un minimum de dommages
non intentionnels ou d’incidences sur l’environnement» (5).
Ces deux définitions, en tant qu’elles rattachent la non-létalité presque
exclusivement à l’intention qui anime le concepteur de l’arme et non au
résultat réel de son utilisation, laissent une large marge d’appréciation aux
militaires. Cette marge d’appréciation rend l’emploi de l’expression «non
létal» difficilement compatible avec le maintien de l’ordre public assuré par
la police. Les forces de police américaines, rompues aux armes incapacitantes depuis de nombreuses années déjà, refusent l’appellation «non létal» et
lui préfèrent l’appellation moins contraignante «moins létal» ou «moins que
létal»; la raison en est essentiellement juridique : dans le contexte très contraignant de l’ordre juridique américain, comme dans celui des démocraties
occidentales, le recours à la force est soumis à un régime strict et les abus
font régulièrement l’objet de poursuites judiciaires; l’appellation «moins
létal» offre une protection juridique plus évidente aux policiers, car elle
admet l’éventualité d’un résultat que la conception de l’arme ne peut
exclure. Stricto sensu, la qualification «non létal» signifie que la mort ne
peut être le résultat de l’usage de l’arme : un éventuel décès d’une personne
cible devrait donc être la conséquence d’une erreur de conception ou d’une
faute de l’utilisateur.
Cette marge d’erreur est inhérente au développement des armes non létales. Lorsqu’une arme létale est développée, il est relativement aisé de déterminer son seuil de létalité et de prédire ses effets sur une personne
humaine : dans le domaine de la balistique, par exemple, les calculs et les
simulations de laboratoire peuvent aisément être confirmés par des tests
pratiques sur des matériaux présentant des propriétés proches de celles du
corps humain; si l’effet de l’arme est létal sur une structure très résistante
à l’impact, il le sera aussi sur une structure moins résistante. Dans la
(5) Politique de l’OTAN sur les armes non létales du 13 octobre 1999, chiffre II, disponible sur le site
Internet www.nato.int/docu/pr/1999/p991013f.htm.
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recherche sur la non-létalité, la tâche est sensiblement plus complexe, car
l’arme doit assurer des effets non létaux sur des hommes comme sur des
femmes ou sur des enfants, sur des personnes en bonne santé comme sur des
malades : si l’on demeure dans l’exemple de la balistique, un impact non
létal sur un homme en parfaite santé peut tout à fait être fatal pour un
enfant en bas âge ou une personne âgée; une arme pourra produire des
effets non létaux à une distance de cinquante mètres, mais létaux à une distance d’engagement réduite. Le dosage des effets de l’arme doit donc être
précisément déterminé pour assurer des effets incapacitants tout en évitant
l’issue fatale. Ainsi, le problème fondamental auquel sont confrontés les
fabricants d’armes non létales est celui de la prévisibilité des effets sur l’être
humain (6). Or, les essais pratiques sur l’être humain sont évidemment particulièrement difficiles à entreprendre. Garantir la non-létalité d’une arme
paraît dès lors presque impossible.
De nombreux spécialistes incluent la guerre psychologique (PsyOps) et la
guerre électronique ou de l’information (information warfare) dans l’appellation «armes non létales». S’il existe effectivement des parallèles potentiels
importants entre les armes non létales au sens étroit et les moyens de guerre
psychologique ou électronique, notamment quant à la non-létalité des effets
ou dans le fait que des armes non létales puissent être des moyens dans la
conduite de ces opérations, les deux méthodes mentionnées ne sont pas, au
sens des auteurs de cet article, des armes spécialement conçues pour mettre
hors de combat le personnel ou le matériel avec une faible probabilité
d’issue fatale ou un minimum de dommages non intentionnels. L’expression
«arme non létale» est ici utilisée car elle correspond à l’acceptation commune des spécialistes occidentaux et russes; il ne sera pas tenu compte des
moyens assimilés aux armes non létales que constituent la guerre psychologique et la guerre électronique ou de l’information.
Les fonctions militaires
des armes non létales
Les scientifiques ont pour habitude de catégoriser les armes non létales
en fonction du type de technologie à la base de l’arme. Ainsi, il peut par
exemple être différencié entre armes cinétiques, biologiques, chimiques,
acoustiques, etc. Le juriste peut classer les armes en fonction de leur compatibilité avec les différentes conventions internationales qui fixent des
limites aux types d’armes utilisés dans les conflits. Le militaire, quant à lui,
préférera une classification basée sur les capacités fonctionnelles des armes
non létales.
(6) L’OTAN a créé un groupe d’étude spécialement consacré à la recherche sur les effets sur l’homme des
technologies non létales (HFM-073).
les armes non létales 731
Dans son Joint Concept for Non-Lethal Weapons du 5 janvier 1998 (7), le
Département à la Défense américain a identifié six capacités fonctionnelles
de base devant servir de guide pour la recherche et le développement
d’armes non létales. Ces six capacités de base forment deux groupes : les
fonctions antipersonnel et les fonctions antimatériel. John Alexander, l’un
des plus éminents spécialistes en matière d’armes non létales, désigne un
troisième groupe de fonctions : les fonctions anticapacité, soit celles qui permettent de neutraliser des installations ou des systèmes (un réseau de conduite ou électrique par exemple) ou d’empêcher l’emploi d’armes de destruction massive (. Nous examinons ici les fonctions-clefs des armes non
létales telles que délimitées par le Département à la Défense américain.
Fonctions antipersonnel
Contrôle de foules
Lorsqu’il est question d’armes non létales, on pense immédiatement aux
moyens engagés par les forces de police pour disperser des foules proches de
l’émeute. Or, partout où des militaires peuvent être engagés, le risque existe
de voir la population locale se soulever ou des groupes opposés à la présence
des soldats manifester de façon plus ou moins hostile. Le contrôle de foule,
autrefois essentiellement une tâche de police, est donc devenu un impératif
d’instruction militaire. Même si les cas les plus fréquents peuvent être
observés dans le cadre d’opérations de soutien à la paix, une troupe militaire peut également être appelée à devoir maîtriser une foule hostile lors
d’un conflit armé majeur ou lors de service d’appui à la police à l’intérieur
même de ses propres frontières.
Plusieurs types d’armes non létales sont conçus expressément pour le
contrôle de foule. Les principales sont : les jets d’eau à haute pression, les
gaz irritants, mais aussi, et plus récemment, les armes à micro-ondes (sensation de brûlures) et les armes à infrasons (nausées). On peut ajouter également le système PEP (Pulsed-Energy Projectile), en cours de développement, qui projette un faisceau laser provoquant une pulsation de magma à
l’impact.
Maîtrise de personnes
Les militaires doivent fréquemment procéder à l’arrestation ou à l’extraction d’individus. Cette mission peut, par exemple, être dirigée contre les
meneurs d’une foule en émeute, contre un individu défiant la garde ou
encore contre un agent d’une cellule terroriste dans le cadre d’une opération
(7) Accessible sur le site Internet www.fas.org/man/dod-101/sys/land/docs/NONLETH.HTM.
( John Alexander, «Non-Lethal Weapons to Gain Relevancy in Future Conflicts», National Defense,
mars 2002, disponible sur le site Internet www.nationaldefensemagazine.org/article.cfm?Id=747.
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de forces spéciales. Dans le cadre d’une émeute, le recours à la force létale
risque d’engendrer une spirale ascendante de la violence : la non-létalité est
donc un argument important. Dans le cadre d’une opération spéciale, la
capture de la cible vivante permettra d’extraire des renseignements
précieux : à nouveau, la non-létalité est un argument capital.
Parmi les armes non létales déjà en service destinées à la maîtrise de personnes, il faut mentionner, entre autres, les armes à décharge électrique, les
grenades aveuglantes et assourdissantes (flash-bang), les gaz irritants, les
mousses ultra-gluantes et un moyen qui a fait ses preuves depuis longtemps, le filet.
Interdiction d’accès aux personnes
La garde d’ouvrage ou de secteur est une mission militaire de base, en
temps de paix comme en période de conflit. Les mines antipersonnel, jadis
un instrument apprécié pour interdire un secteur, sont tombées en disgrâce
en raison des effets indiscriminés qu’elles produisent, frappant parfois des
années encore après la fin du conflit.
Le développement d’armes non létales dédiées à l’interdiction d’accès permet de remplacer avantageusement les mines antipersonnel et d’améliorer
encore la capacité d’interdiction. On notera, parmi ces armes, les armes à
micro-ondes et les armes à infrasons.
Evacuation de structures
Les militaires redoutent le combat en zone urbaine : en effet, la densité
des constructions procure un avantage très net à l’occupant de structures;
en conséquence, le combat urbain est particulièrement meurtrier et le soutien aérien souvent peu adéquat, malgré le degré de discrimination impressionnant que les armes d’aujourd’hui sont capables d’atteindre. Il est
cependant souvent nécessaire de prendre une structure intacte afin de pouvoir l’utiliser pour ses propres troupes ou dans le but d’éviter sa reconstruction à la fin du conflit s’il s’agit d’une infrastructure-clef.
Quelques systèmes non létaux ont été développés ou sont en cours de
développement pour permettre d’évacuer des installations et des structures.
On peut mentionner ici les grenades aveuglantes et assourdissantes, les gaz
irritants et soporifiques, les armes à infrasons ou les armes à micro-ondes.
Fonctions antimatériel
Interdiction d’accès aux véhicules
Il peut être tactiquement décisif d’empêcher des véhicules de pénétrer
dans un terrain-clef ou de perturber les déplacements motorisés ou mécani-
les armes non létales 733
sés d’une formation en approche. De même, les interdictions de survol
aérien (no fly zones) peuvent assurer un avantage opératif concluant.
Les systèmes d’armes non létales suivants ont été développés ou sont en
voie de développement pour faciliter cette tâche militaire : les systèmes
émettant de très forts champs magnétiques stoppant tout système électrique, les systèmes épaississant les carburants ou les armes à micro-ondes.
Mise hors d’usage de structures ou de véhicules
Les armes dites «conventionnelles» utilisées contre des installations ou des
véhicules ont presque toujours comme conséquence la destruction physique
de la cible : la destruction physique d’installations, structures ou véhicules
entraîne généralement la mort inévitable d’un certain nombre de personnes
et des dommages collatéraux parfois importants. La recherche dans ce
domaine tente de proposer des systèmes d’armes permettant de mettre hors
d’état ces cibles, tout en réduisant au maximum le risque de dommages collatéraux.
Pour illustrer les efforts dans cette voie, on peut citer les armes à microondes, les systèmes à très forts champs magnétiques (neutralisation des servants de l’infrastructure), les gaz irritants ou soporifiques (idem). Il est également envisageable, grâce aux armes à fibres de carbone qui occasionnent
des courts-circuits sur les lignes électriques, de s’attaquer directement au
réseau électrique du pays cible et de perturber fortement son réseau essentiel de conduite.
Les principes régissant l’engagement
des armes non létales
Au vu des possibilités accrues d’épargner des vies et le matériel que présentent ces nouveaux types d’armes, il semble a priori souhaitable que
l’usage de l’arme non létale soit préférée à l’usage de l’arme létale et, en
conséquence, que les conditions du recours à la force létale soient définies
de manière plus stricte encore. Il se pose donc la question de la relation
entre l’emploi des moyens non létaux et des moyens létaux.
Un problème complexe
Lors de tout engagement militaire moderne, les commandants doivent
résoudre une difficile équation à trois paramètres essentiels : le succès de la
mission, la protection de ses propres forces et la limitation maximale des
pertes civiles et collatérales. Si le succès de la mission demeure le paramètre
décisif sur le plan militaire, la négligence des deux autres facteurs peut
influencer fortement la réalisation de l’objectif politique pour lequel l’action
militaire est déclenchée, en raison de la couverture médiatique et de son
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impact sur l’opinion publique. La protection des propres troupes et le souci
d’éviter des pertes civiles ont donc vu augmenter leur poids relatif dans
l’accomplissement de la mission. Pour le commandant, cette nouvelle donne
impose une réflexion plus complexe quant aux moyens engagés et aux effets
de ces moyens : en effet, le souci d’accroître la protection de ses propres
troupes ne peut passer par l’élimination indiscriminée de toute menace
potentielle sans risquer d’ébranler les conditions politiques de l’action
militaire; inversement, en particulier dans un contexte où le combattant est
souvent indiscernable du non-combattant, le souci d’éviter complètement
les pertes non combattantes par la limitation du recours à l’arme implique
un risque accru pour les propres troupes et, en conséquence, pour les conditions politiques de l’action militaire.
La possession de moyens non létaux offre donc au commandant, tant au
stade de la planification de l’action qu’à l’engagement, de nouvelles options
pour concilier les trois paramètres de l’équation. Privé d’alternatives non
létales, le commandant de troupe confronté à une situation où l’ennemi
n’est pas clairement identifiable n’a que deux possibilités réelles d’action :
ouvrir le feu en utilisant son arsenal létal et tuer des non-combattants ou
ne pas agir et mettre en péril la sécurité de ses hommes ou l’accomplissement de la mission. Les armes non létales proposent au commandant une
solution intermédiaire permettant de répondre efficacement à la menace
sans toutefois recourir excessivement à la force létale; elles ne limitent pas
la liberté du commandant militaire dans son choix des moyens pour accomplir la mission, elles élargissent la panoplie des instruments à sa disposition.
Un exemple concret illustre pratiquement l’utilité des armes non létales.
Lors des opérations de l’ONU «Restore Hope» et UNSOM II en Somalie en
1992-1993, les troupes coalisées faisaient face à des situations souvent particulièrement difficiles. Le mandat de l’ONU leur donnait pour mission de
permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et de rétablir l’ordre dans
ce pays dévasté par les guerres claniques et le banditisme omniprésent.
Etant donné que l’intervention avait un but essentiellement humanitaire,
les règles d’engagement limitaient l’usage de la force létale aux situations
de légitime défense contre des individus portant une arme. Confronté à des
foules dans lesquelles se dissimulaient des miliciens armés, les soldats de la
paix se trouvaient dans la situation pénible de ne pouvoir engager leurs
armes sans risquer de blesser ou tuer des civils qui, bien que prenant activement part aux hostilités, ne constituaient pas des cibles «légales» selon les
règles d’engagement. Les foules somaliennes l’avaient bien compris et
jouaient en quelque sorte les «otages consentants» (9). Des moyens non létaux
pour le contrôle de foule, des gaz lacrymogènes ou d’autres armes incapacitantes telles que des canons à eau auraient probablement facilité l’accom-
(9) Colonel John B. Alexander, Future War : Non-Lethal Weapons in Twenty-First-Century Warfare,
Thomas Dunne Books, St. Martin’s Griffin, 1999, p. 22.
les armes non létales 735
plissement de la mission sans imposer des risques disproportionnés à la
sécurité des soldats ou à la vie des civils.
Trois principes d’engagement peuvent être déduits de l’équation de base
par rapport à l’engagement des armes non létales. Premièrement, l’engagement des armes non létales doit s’inscrire dans le continuum de l’emploi de
la force, soit être proportionnel à la menace. Ensuite, la possession d’armes
non létales ne doit pas limiter la liberté inhérente du commandant militaire
d’utiliser les moyens nécessaires pour accomplir sa mission : elles lui offrent
un choix de moyens complémentaires. Finalement, l’engagement d’armes
non létales n’est pas limité aux missions de maintien de la paix : il couvre
l’ensemble du spectre des opérations militaires.
Le continuum de l’emploi de la force
L’emploi de la force doit être proportionné aux circonstances. Dans le
cadre civil, cette règle s’illustre notamment par les notions juridique de légitime défense et d’état de nécessité, les seuls cas où le particulier est autorisé
à recourir à la force, y compris létale, pour préserver un bien juridique
supérieur ou équivalent. Elle est encore plus évidente pour les forces de
police, qui ne peuvent faire usage de leur arme de service que comme
moyen de légitime défense ou lorsque la vie de personnes est directement
ou indirectement mise en danger : ainsi, un policier ne pourra pas ouvrir le
feu sur le véhicule d’un malfrat qui vient de voler une voiture; il faut vraiment que la vie de quelqu’un soit en danger et qu’aucun autre moyen raisonnable ne permette de protéger cette personne. C’est la raison pour
laquelle les policiers font si rarement usage de leur arme et, par conséquent,
pour laquelle chaque incident dans lequel un policier a ouvert le feu fait
l’objet d’une enquête judiciaire et attire toute l’attention des médias.
Dans le cadre militaire, quand bien même la tendance à un plus grand
respect de la proportionnalité est manifeste et est la cause principale du
développement de capacités non létales, les choses évoluent à un autre
rythme. Les causes de cette différence ne sont pas l’objet de cet article,
mais il peut être remarqué qu’en l’absence d’autorité supranationale compétente pour connaître des violations du droit international des conflits
armés, le jus in bello, la sanction de l’usage disproportionné de la force
incombe aux parties en conflit, généralement peu enthousiastes à reconnaître les abus. En outre, lorsqu’un Etat est engagé dans un conflit armé, les
enjeux sont généralement considérés comme largement supérieurs à la vie
humaine et la mort de l’ennemi est une éventualité acceptable et parfois
même désirée.
Le principe de proportionnalité et les règles du recours à l’arme sont
cependant bien connus des militaires. A l’instruction, les soldats peuvent
apprendre à les mettre en pratique par des jeux de rôle dans lesquels ils doi-
736 david humair et christophe perron
vent répondre proportionnellement à la menace perçue (10); on utilise également des codes de couleurs pour indiquer le niveau d’intensité de la
menace et la réaction que celle-ci autorise du militaire. La relation menaceréponse s’inscrit donc dans le continuum de l’emploi de la force, l’expression
militaire du principe de proportionnalité. Ainsi, pour interdire l’accès à une
installation militaire, une présence physique déterminée suffira dans
l’immense majorité des cas : si un suspect s’approche trop près de cette installation, un avertissement verbal peut largement le convaincre de vaquer
à d’autres occupations; si ce même individu tente de passer outre la garde,
il pourra être repoussé physiquement; si le comportement de l’individu est
menaçant et que la sécurité de l’installation semble pouvoir être compromise, il pourra être fait usage d’une arme non létale, par exemple un instrument à décharge électrique, ou de l’arme principale mais sans ouverture
du feu; finalement, si cet individu se mute en agresseur et menace directement l’intégrité physique de la garde ou la sécurité de l’installation, il
pourra être fait usage de la force létale. Le graphique ci-dessous illustre le
continuum de l’emploi de la force.
Bien que le terme «continuum» suggère une succession d’étapes nécessaires avant l’usage de la force létale, le passage d’une menace diffuse à une
menace très aiguë peut être instantané. Par exemple, dans la situation
décrite dans le paragraphe précédent, un simple observateur peut soudainement sortir une arme et s’avérer une menace mortelle pour la garde : la
réaction de cette dernière devra donc immédiatement être proportionnelle
à la menace, sans que soit tenté au préalable de maîtriser l’individu par des
moyens non létaux. Le principe du continuum de l’emploi de la force est
également applicable aux états-majors aux niveaux opératif et tactique. En
effet, la planification de l’action doit tenir compte du principe de proportionnalité. Le concept de frappe chirurgicale en est un exemple évident :
dans ce contexte, la prise d’un terrain-clef pourra être assurée, voire facilitée, par l’engagement de moyens non létaux sans que la destruction physique des infrastructures ne soit nécessaire. Les armes non létales permettent
donc de tenir compte du principe de proportionnalité dans la planification
(10) Dans l’armée suisse, cette instruction est généralement donnée dans le cadre de la formation à la protection d’ouvrages.
Augmentation de la menace perçue par le militaire et réponse proportionnelle.
Les couleurs indiquent le danger ressenti par le militaire.
Croissance du danger et de la menace
Présence
physique
Menace
orale
Force
physique
Arme
non létale
Arme
létale
les armes non létales 737
de l’action ou de répondre directement à des menaces sérieuses, mais déjà
en deçà du seuil où l’usage de la force létale est autorisé.
Dans le contexte d’un engagement militaire occidental, notamment celui
d’une opération de soutien à la paix (PSO), le cadre juridique dans lequel
les forces armées doivent remplir leur mission est précisé par les règles
d’engagement (ROE), qui déterminent en particulier les conditions du
recours à la force létale. Le recours à la force non létale suit le même
principe : généralement, s’il s’agit d’une PSO, la force létale est réservée aux
cas de légitime défense ou aux situations dans lesquelles l’accomplissement
de la mission est impossible sans y recourir; or, dans bien des situations, il
est manifeste que le recours à la force létale est disproportionné par rapport
à la menace effective. Une foule de manifestants, même si elle tend à
l’émeute, peut généralement être contenue sans appliquer la force létale.
Dans le principe du continuum de l’emploi de la force, le seuil d’usage de
l’arme non létale doit donc être un cran plus bas que celui de l’arme létale
pour que celle-là constitue une alternative valable. Si le seuil de recours à
l’arme non létale est identique à celui de l’arme létale, en cas de doute,
même minime, il sera fait usage de l’arme létale, car ses effets sont malgré
tout plus connus, donc plus prévisibles. Toutefois, la différence de seuil doit
rester mince, car un recours abusif à l’arme non létale est également une
violation du principe de proportionnalité et constitue une infraction punissable. Ainsi, le recours à l’arme non létale doit aussi demeurer exceptionnel
et juridiquement clairement déterminé. Pour éviter les abus, une attention
particulière doit être mise sur la compréhension des ROE par les commandants et la troupe. Celles-ci doivent donc être simples, univoques et entraînées.
La complémentarité
Les armes non létales ne vont pas remplacer les armes létales : la guerre
purement non létale n’est certainement pas prête de voir le jour. Comme
mentionné au paragraphe précédent, les moyens non létaux offrent une
étape intermédiaire avant le recours à la force létale, mais cette étape intermédiaire, bien que désirable, n’est pas obligatoire car elle réduirait la liberté
du commandant d’utiliser tous les moyens nécessaires d’après son appréciation pour accomplir la mission dans les limites des règles d’engagement et
du droit international.
La doctrine des Etats-Unis et celle de l’OTAN sont claires sur ce point :
«le fait de disposer d’armes non létales ne limite en aucune manière le droit
et l’obligation intrinsèques d’un commandant ou d’une personne d’utiliser tous
les moyens nécessaires qui sont disponibles et de prendre toutes les mesures
d’autodéfense appropriées.»; «l’existence, la présence ou l’effet potentiel des
armes non létales ne constitue pas une obligation d’emploi de ces armes ni
n’impose une norme supérieure ou des restrictions supplémentaires au recours
738 david humair et christophe perron
à la force létale. Les forces de l’OTAN conservent dans tous les cas la possibilité d’un usage immédiat des armes létales conformément au droit national
et international en vigueur et aux règles d’engagement agréées.»; «les armes
non létales peuvent être utilisées en même temps que des systèmes d’armes
létaux pour accroître l’efficacité de ces derniers dans toute la gamme des opérations militaires.» (11) Les moyens non létaux complètent donc l’arsenal
déjà existant des moyens létaux et permettent de combler une lacune dans
le continuum de l’emploi de la force. Les principes d’emploi de la capacité
non létale à l’échelon tactique-technique doivent être traitées dans les règles
d’engagement applicables à la troupe concernée.
Il convient de souligner que certaines armes non létales produisent des
résultats que les armes létales traditionnelles sont incapables d’engendrer.
Par exemple, le système ADS (Active Denial System), capable de faire évacuer une infrastructure par l’émission d’un faisceau de radiations microondes d’une longueur d’ondes de l’ordre du millimètre qui procure une sensation immédiate de brûlure intense mais passagère chez les êtres vivants.
Dès lors, leur utilisation dans le cadre d’une opération, bien loin de servir
à «humaniser» le conflit, permet de donner un avantage décisif à la troupe
qui les engage en parallèle à des moyens létaux.
L’universalité
Le scénario le plus évident pour l’emploi de moyens non létaux est celui
du soutien à la paix, puisque la mission militaire se rapproche fortement des
tâches de police. S’il est manifeste que ce cadre assure le plus de possibilités
de publicité d’emploi et le plus grand éventail de missions dans lesquelles
les armes non létales offrent un complément décisif aux armes létales, il est
erroné de penser que l’engagement de moyens non létaux ne se conçoit que
dans ces missions. Les fonctions-clefs des armes non létales décrites au chapitre trois sont des fonctions essentielles de tout effort militaire, peu
importe le degré d’intensité du conflit ou la qualification de l’intervention
militaire. Les armes non létales peuvent également être utilisées pour
atteindre des effets au niveau stratégique, notamment pour paralyser le
réseau électrique ou de conduite de l’Etat contre lequel les opérations sont
conduites (12).
Les armes non létales peuvent donc être utilisées dans tout le spectre des
missions qui peuvent être confiées à une formation militaire. Ainsi, des formations de forces spéciales peuvent être amenées à préférer une arme non
létale, notamment lorsqu’il s’agit de collection de renseignement. On préférera sans doute mettre un ennemi hors d’état de nuire sans le tuer afin de
(11) Politique de l’OTAN sur les armes non létales du 13 octobre 1999, chiffre III, disponible sur le site
Internet www.nato.int/docu/pr/1999/p991013f.htm.
(12) C’est le concept de «paralysie stratégique», développé par le colonel John B. Alexander, op. cit.
les armes non létales 739
pouvoir l’interroger plus tard. De même, dans un conflit majeur, il peut être
préférable de mettre une infrastructure temporairement hors d’état pour
pouvoir la réutiliser plus tard afin d’éviter les coûts de reconstruction : par
exemple, un aéroport, cible militaire par excellence, peut être occupé par les
propres troupes afin de permettre l’établissement d’une base logistique
avancée. La guerre maritime n’échappe évidemment pas à la règle : il peut
être possible d’arraisonner un bâtiment sans devoir faire appel à des munitions explosives traditionnelles, notamment par l’emploi de micro-ondes à
haute puissance, capables de «griller» les circuits électroniques indispensables à la conduite du vaisseau (13). S’il est en revanche plus difficile d’envisager des moyens non létaux contre des aéronefs – leur mise hors d’état
impliquant probablement leur chute –, ces derniers sont l’un des vecteurs
principaux des armes non létales en développement.
Considérations juridiques
sur les armes non létales
Plusieurs instruments de droit international ont été établis pour limiter
les moyens de faire la guerre et de conduire les hostilités. Tous ces instruments ont un objectif commun : interdire les armes frappant de manière
indiscriminée ou provoquant des souffrances inutiles. A priori, comme les
armes non létales sont développées dans un but connexe, leur compatibilité
avec les conventions internationales ne devrait pas poser de problème
majeur. Or, en analysant les principaux traités relatifs au droit des conflits
armés ou relatifs aux armes, on constate que de nombreuses questions
demeurent irrésolues. Il ne s’agit point ici de proposer une analyse détaillée
de la légalité de chaque système d’armes non létales, mais, en analysant
deux exemples de conventions internationales concernées, d’exposer la complexité du problème.
Selon le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août
1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux
(Protocole I) du 8 juin 1977, les armes nouvelles doivent subir un test de
légalité avec le droit international (14). Les dispositions pertinentes du Protocole I sont données par l’article 35 et 51 : l’article 35 PA I interdit expressément les armes de nature à causer des maux superflus; l’article 51 interdit, quant à lui, les armes qui frappent sans discrimination. Même si tous
(13) Hilvert J. Fitski/Judith J.M. Dekker/Edwin R. Van Veldhoven, NLW Deployment in a Maritime
Scenario, in Non-Lethal Weapons : New Options Facing the Future, Frauenhofer Institut Chemische Technologie, Ettlingen, 2001.
(14) Article 36, Armes nouvelles : «dans l’étude, la mise au point, l’acquisition ou l’adoption d’une nouvelle
arme, de nouveaux moyens ou d’une nouvelle méthode de guerre, une Haute Partie contractante a l’obligation
de déterminer si l’emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle du droit international applicable à cette Haute Partie
contractante».
740 david humair et christophe perron
les Etats du monde n’ont pas encore ratifié le Protocole I, la pratique constante fait que ces normes ont rang de droit international coutumier et
même de jus cogens, un droit tellement fondamental qu’il est absolument
interdit d’y déroger. La Cour internationale de justice a confirmé le sens de
ces règles : certaines armes peuvent être illégales, qu’un traité particulier les
interdisent ou non (15); en tant que les armes non létales visent un but
similaire, il semble que les deux règles pertinentes au sein même du Protocole I ne s’opposent guère, in abstracto, à leur développement.
Cependant, le test de légalité ne se limite pas aux normes du Protocole,
il s’étend à tous les instruments internationaux auxquels la Haute Partie
contractante est partie. Parmi ces instruments, deux conventions sont particulièrement illustratives de la problématique : la Convention du 10 avril
1972 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage
des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction
(CIAB) et la Convention du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au
point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et
sur leur destruction (CWC).
Selon l’article premier de la CIAB, les Etats parties à la Convention
s’engagent à ne jamais et en aucune circonstance mettre au point, fabriquer, stocker, ni acquérir d’une manière ou d’une autre ni conserver : des
agents microbiologiques ou autres agents biologiques, ainsi que des toxines
quels qu’en soient l’origine ou le mode de production, de types et en quantités qui ne sont pas destinés à des fins prophylactiques, de protection ou
à d’autres fins pacifiques; des armes, de l’équipement ou des vecteurs destinés à l’emploi de tels agents ou toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés. Cette interdiction est absolue et, bien que la Convention ait été
rédigée alors que l’armement non létal n’était guère envisageable, elle ne
laisse aucune place au développement d’un armement non létal biologique.
En vertu de l’article premier chiffre 1 de la CWC, chaque Etat partie à
la Convention s’engage, entre autres, à ne jamais, en aucune circonstance,
mettre au point, fabriquer, acquérir d’une autre manière, stocker, conserver
ou employer d’armes chimiques. Le chiffre 5 du même article est directement topique en ce sens qu’il interdit l’utilisation d’«agents de lutte antiémeute en tant que moyens de guerre». L’article second définit l’«agent de lutte
antiémeute» comme «tout produit chimique qui n’est pas inscrit à un tableau
et qui peut provoquer rapidement chez les êtres humains une irritation sensorielle ou une incapacité physique disparaissant à bref délai après qu’a cessé
l’exposition». La CWC interdit donc l’emploi, en tant que moyen de guerre,
d’armes non létales dont l’agent incapacitant est un produit chimique. Pour
Malcolm Dando, «il demeure ainsi une zone grise avec différentes interpréta-
(15) Advisory Opinion of the International Court of Justice, Legality of the Threat or Use of Nuclear
Weapons, General List n° 95 (35 I.L.M. 809 [1996]), 8 juillet 1996, par. 78-79.
les armes non létales 741
tions de ce qui est permis. En somme, la question est de savoir où s’arrête la
notion de maintien de l’ordre et où débute celle de la guerre» (16). Selon
l’interprétation extensive de l’Administration Clinton, l’utilisation d’agents
antiémeute était donc interdite dans les cas où des combattants étaient présents, rendant cependant leur utilisation admissible lorsqu’une foule devient
émeutière en l’absence de combattants ennemis (17). L’engagement de
moyens anti-émeute chimiques avait en conséquence été autorisé pour la
Somalie et Haïti (18).
Il faut reconnaître cependant que, selon le droit international positif, les
armes non létales chimiques ou biologiques sont interdites dans le cadre du
conflit armé. Dès lors, deux cas de figure se proposent en relation avec les
armes non létales relevant de ces deux catégories technologiques : développement et engagement d’armes non létales dans le cadre légal actuel ou
modification des instruments internationaux dans le but d’autoriser le
développement et l’engagement d’armes non létales. Dans le premier cas, le
souci est de préserver l’intégrité et la portée normative de l’interdiction
générale des armes biologiques et chimiques; le risque est en effet réel que
certains Etats profitent de lancer des programmes d’armes létales prohibées
sous le couvert de programmes d’armes non létales et la classification des
programmes de recherche par les principaux Etats développant des armes
non létales n’est pas le meilleur moyen pour atténuer la perception de ce
risque : la conséquence de cette possibilité semble être que les armes non
létales ne doivent pas faire exception à la prohibition générale. Le second
cas, la modification des instruments internationaux pour exclure les armes
non létales, présuppose une double affirmation : les moyens de combat évoluent et vont continuer d’évoluer et les armes non létales ne doivent pas
tomber sous le champ d’application matériel des conventions topiques car
le but même de ces armes s’inscrit dans celui des conventions susmentionnées. Dans ce cas-là, les conventions ne doivent pas faire obstacle au développement des technologies biologiques et chimiques non létales et les instruments internationaux doivent être révisés pour tenir compte de ces
progrès technologiques.
Nous ne prenons pas position ici quant à la meilleure solution, mais il
faut en tous les cas éviter un cas de figure supplémentaire dans lequel des
(16) Malcolm Dando, «Les réalisations scientifiques et techniques et l’avenir de la Convention sur les
armes chimiques : le problème des armes non létales», in Forum du désarmement, La Conférence d’examen
de la Convention sur les armes chimiques, United Nations, 2002.
(17) Department of the Army, Concept for Non-Lethal Capabilities in Army Operations, Appendix C, C1,
TRADOC Pamphlet 525-73, 1er déc. 1996, disponible sur le site Internet www.fas.org/man/dod-101/sys/land/
docs/p525-73.htm.
(18) Il faut noter également que l’Executive Order américain 11 850 décrété par le Président Ford en
1975 permet, après autorisation présidentielle, l’emploi de moyens anti-émeute en cas de conflit dans les
situations suivantes : soulèvement de prisonniers de guerre; si des civils sont utilisés pour masquer des combattants et que des pertes civiles peuvent être évitées par l’engagement de ces moyens; opérations de sauvetage en zone isolée; protection de convois de l’échelon arrière contre des troubles civils, des terroristes ou
des groupes paramilitaires.
742 david humair et christophe perron
armes non létales biologiques ou chimiques seraient développées sans considération du cadre juridique international relatif au contrôle des
armements : ce serait probablement porter un coup fatal à la crédibilité du
système légal international de lutte contre la prolifération des armes biologiques et chimiques.
* *
*
Durant les dix dernières années, les armes non létales ont connu un essor
phénoménal. Grâce à l’initiative américaine, de nombreux pays et l’OTAN
ont entamé leurs propres programmes de recherche et l’industrie privée de
l’armement y a reconnu un nouveau marché très intéressant. Cet intérêt va
certainement continuer à croître, notamment grâce à la publicité créée par
la mise en service dans un proche avenir de plusieurs systèmes nouveaux
d’armes non létales. Si le besoin d’armes non létales est le produit de
l’omniprésence des médias sur le champ des opérations et du contexte dans
lequel les forces armées occidentales interviennent le plus souvent, à savoir
des situations où elles doivent en particulier renforcer l’ordre civil ou rétablir celui-ci et dans un environnement généralement urbanisé, c’est dès lors
principalement par rapport aux résultats qu’elles produiront en relation
avec ces deux critères que leur efficacité réelle doit être jugée. Quelques
expériences concrètes au niveau tactique ont déjà été faites, notamment par
l’armée américaine dans les Balkans (19), mais leur volume n’est pas encore
suffisant pour tirer des leçons générales et l’introduction des nouveaux systèmes d’armes nécessitera des études supplémentaires quant aux résultats
de leur engagement.
Au niveau stratégique, le développement d’armes non létales fonde aussi
des opportunités et des craintes parallèles importantes. Ainsi, on peut envisager des armes non létales permettant de neutraliser des segments entiers
de réseaux électriques ou de communication, entraînant la paralysie partielle ou complète de l’organisation d’un Etat, le fameux concept de paralysie stratégique (20). C’est là évidemment un formidable moyen de pression
politique que de posséder la capacité de contraindre un ennemi potentiel à
adopter un certain comportement déterminé avec un risque très faible de
victimes. La crainte parallèle est évidemment que ces moyens ne soient utilisés qu’en dernier recours, comme ultima ratio.
De nombreuses questions essentielles en relation avec les armes non létales restent ouvertes. Par exemple, la compatibilité de certains types de ces
armes avec le droit international, en particulier la Convention sur la prohibition des armes biologiques et la Convention sur la prohibition des armes
(19) John Alexander, «Non-Lethal Weapons to Gain Relevancy in Future Conflicts», National Defense,
mars 2002, disponible sur le site Internet www.nationaldefensemagazine.org/article.cfm?Id=747.
(20) Colonel John B. Alexander, ibid.
les armes non létales 743
chimiques, est un problème qui doit impérativement être résolu dans les
limites du droit international, non par sa négation. Les effets sur l’homme
et l’environnement des armes non létales, un domaine encore relativement
pauvre en données, doivent continuer de faire l’objet d’études approfondies,
tout comme les effets psychologiques et culturels des armes non létales sur
les personnes cibles mais également sur les utilisateurs d’armes. Seules ces
études pourront à l’avenir permettre d’assurer la prévisibilité des effets des
armes non létales, une carence actuelle par rapport aux armes létales.
Si le développement des armes non létales est, au sens des auteurs de cet
article, généralement positif, il ne doit pas faire oublier que les armes non
létales demeurent des armes et que celles-ci sont des instruments de guerre.
Et même si la guerre peut éventuellement être rendue plus «humaine», elle
reste la guerre.
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Publié par Dav sur 12 Décembre 2012, 22:21pm
Catégories : #Environnement
Les armes acoustiques, infrasons insupportables dirigés vers les véhicules, les bâtiments ou résonant dans les boîtes crâniennes, sont des armes très efficaces.
Les infrasons sont moins connus que les ultrasons car ils sont moins utilisés, plus rares et plus difficiles à produire.
Si situant sous les 15 cycles par seconde, les infrasons sont inaudibles pour l'homme mais par contre se font sentir car s'ils échappent à notre ouïe, ils enveloppent tout notre être.
Le danger, c'est qu'au dessous de 7 cycles/secondes l'émission d'infrasons est mortelle. Un cas à peu près similaire s'est présenté au Laboratoire Électroacoustique de Marseille où, en 1957, le Dr Gavreau et son équipe de chercheurs ont un jour commencé à ressentir de violents maux de tête, des nausées et différents troubles d'origine inexplicable.
Après de longues recherches, le Dr Gavreau finit par en trouver l'origine, une origine extérieure ; il s'agissait d'un ventilateur situé à l'extérieur du bâtiment, qui était fixé à ses supports dans une gaine d'aération.
De ce fait, ce moteur à rotation lente émettait des vibrations nocives, qui, après avoir été mesurées, donnaient des fréquences de très faible intensité, soit 7 cycles par seconde. Si basse d'ailleurs qu'aucun détecteur courant ne pouvait les mesurer.
Par la suite, des faits semblables ont été détectés dans une foule de bâtiments. Dans le cas présent, le Dr Gavreau et son équipe firent de nombreux tests avec ce ventilateur, faisant varier la fréquence. Or, ces expériences étaient extrêmement dangereuses car les agressions infra soniques sur l'organisme se font insidieusement et dans un silence total.
A la suite de ces tests et malgré les précautions, le Dr Gavreau et les membres de son équipe tombèrent gravement malades (spasmes cardiaques, intestinaux et pulmonaires, troubles de la vision). L'équipe poursuit néanmoins ses recherches et fit de nombreuses découvertes dans la gamme infrasonique inférieure à 10 cycles/secondes et l'on sait que les fréquences mortelles se situent au dessous de 7 cycles.
Certes on ne saura jamais si cette équipe scientifique travailla à la réalisation d'une super-arme à ultrasons mais ce n'est pas ici notre propos car nous voulions seulement citer cette voie de recherche, une voie qui explora quelques décennies avant cet extraordinaire génie méconnu que fut le Dr Nicolas Tesla.
Cependant, pour ce qui nous concerne, il est important de savoir que les infrasons sont un phénomène fréquent et naturel qui fait partie de notre vie quotidienne et de notre environnement. Leur perception, suivant la hauteur, a une action évidente sur notre organisme ; les phénomènes naturels sont eux-mêmes de puissants générateurs d'infrasons : chutes d'eau, vent, aurores boréales, tonnerre, séismes, éruptions volcaniques, vagues océaniques, etc...
Par exemple, l'explosion du Krakatoa généra une extraordinaire onde infrasonique qui fit voler en éclats, à des centaines de kilomètres, les vitres des fenêtres et cette onde perdura durant plusieurs minuit
De même, certains séismes génèrent de grands déplacements verticaux de la surface du sol de plusieurs centimètres à chaque pulsion martelée par les infrasons ; des ondes infra soniques que les animaux par exemple ressentent particulièrement.
Certaines personnes sensibles ressentent aussi ce martèlement des ondes sismiques infra soniques, qui provoquent chez elles anxiété et nausées.
Autre type de phénomène infrasonique, celui des vagues océaniques dont le martèlement produit une énergie acoustique de 16 cycles/seconde. D'autres phénomènes acoustiques étranges sont connus sous le nom de "canons des lacs", "canons de brume", "canons de Barisa", ces phénomènes se traduisent par des sons périodiques bizarres qui se manifestent dans des environnements particuliers et qui font vibrer les vitres et parfois même secouent des bourgades.
L'origine en est inconnue (masses d'eau, couches souterraines ?) et l'on sait qu'avec les infrasons, il y a difficulté à en localiser la source émettrice. Il existe d'ailleurs une belle bibliographie de ces phénomènes étranges. Certains chercheurs pensent que la production d'infrasons pourrait trouver sa source au delà des masses d'eau et des couches souterraines.
Signalons encore que les explosions solaires et les pulsations des vents solaires produisent dans l'atmosphère d'importants battements infra soniques, certains bruits aériens ressemblant à celui du tremblement de terre, alors que les aurores boréales s'accompagnent de grésillements aigus et de battements profonds.
Les infrasons peuvent parcourir de longues distances sans s'atténuer, en maintenant leur pression initiale et en provoquant des symptômes physiologiques et psychiques (angoisse, dépression, irritabilité, tension émotionnelle, nausées, diarrhée,...) rien en fait n'arrête la propagation des infrasons, même pas les vents et les tempêtes qui peuvent eux-mêmes en engendrer.
"Des objets de toutes natures, formes et tailles explosent lorsque l'impulsion infrasonique traverse leur espace".
Dans notre vie de tous les jours il faut savoir que voitures et avions émettent des infrasons, ainsi que les bus, les trains et les motos ; tous sont susceptibles d'émettre des infrasons d'intensité nocive avec pour chaque mode de transport sa propre fréquence infrasonique acquise en fonction des frictions mécaniques et des résistances.
Même dans des théâtres, des concerts on a vu se développer des infrasons ; ainsi le basson profond d'un orgue pulvérise verres et vitraux comme peut le faire les trilles d'un soprano.
On sait également que les corps des pilotes de jets ou d'engins spatiaux sont saturés par de puissantes vibrations infra soniques qui réduisent les réflexes des pilotes mais peuvent aussi mettre sa vie en danger ; c'est la raison pour laquelle l'armée impose des limites aux temps de vol. En effet les infrasons provoquent des troubles divers qui affectent la vision, la parole, l'équilibre, l'orientation.
De nombreux chercheurs, civils et militaires se sont intéressés aux infrasons.
Gavreau dans le domaine de la robotique, d'autres dans le domaine militaire ou dans différentes applications ; ce fut le cas de Nicolas Tesla qui utilisait des plateaux vibrants pour vitaliser et tonifier le corps dans des séances courtes et bien programmées, car un usage excessif pouvait au contraire rendre gravement malade.
Source : http://www.aci-multimedia.net/connaissance/infrasons.htm
Ses recherches en partie secrètes ont exploré la voix de la conception des armes à infrasons.
Le spectre d'audition humain va d'environ 20 à 20 000 Hz. Au delà de 20 kHz, nous n'entendons plus rien, de même en dessous de 20 Hz, du moins, avec notre oreille. En effet, si nous n'entendons pas les sons en dessous de 20 Hz, nous pouvons les ressentir, en particulier par notre cage thoracique.
Les infrasons donnent aussi rapidement une atmosphère prenante lorsque le niveau de pression est suffisant. La première moitié de la première octave perçue par l'humain, 20-30 Hz, est à la frontière entre l'infrason et le sous-grave et est caractéristique d'une impression à la fois auditive et physique qui donne cette sensation de présence et de poids.
Des études récentes ont par ailleurs montré que les infrasons jouent un rôle dans la communication chez l'éléphant.
Les tremblements de terre, éruptions volcaniques, tonnerre et autres démonstration de force de la nature produisent tous des infrasons à un niveau parfois extrêmement élevé, beaucoup plus que ce que l'homme est en mesure de pouvoir reproduire.
Le sous-grave et l'infra-grave ont la capacité de traverser les obstacles plus facilement que les haute fréquences, qui elles, sont vulnérables aux réflexions. Ce qui se traduit souvent par une très longue portée de l'énergie acoustique.
Exposé directement à une forte pression sonore dans ces basses fréquences, l'énergie peut être tel que la structure même d'un bâtiment se met en branle. À forte puissance, les infrasons peuvent avoir des effets destructeurs, tant mécaniques que physiologiques.
Des essais d'utilisation ont été faits pendant la seconde guerre mondiale par l'armée allemande.
À plus faible puissance, ils constituent une gêne physiologique importante pour les animaux et les humains pouvant produire, lors d'une exposition prolongée, un inconfort, une fatigue, voire des troubles nerveux ou psychologiques.
Source : Wikipédia.
Dans un milieu compressible, le plus souvent dans l'air, le son se propage sous forme d'une variation de pression créée par la source sonore. Un haut-parleur, par exemple, utilise ce mécanisme.
Seule la compression se déplace et non les molécules d'air, si ce n'est de quelques micromètres. Lorsque l'on observe des ronds dans l'eau, les vagues se déplacent mais l'eau reste au même endroit, elle ne fait que se déplacer verticalement et non suivre les vagues (un bouchon placé sur l'eau reste à la même position sans se déplacer).
Le son se propage également dans les solides sous forme de vibrations des atomes appelées phonons. Là encore, seule la vibration se propage, et non les atomes qui ne font que vibrer très faiblement autour de leur position d'équilibre.
La vitesse de propagation du son (on parle également de la célérité) dépend de la nature, de la température et de la pression du milieu. Comme l'air est proche d'un gaz parfait, la pression a très peu d'influence sur la vitesse du son.
Tout être vivant doté d'une ouïe ne peut percevoir qu'une partie du spectre sonore :
les physiologistes s'accordent à dire que l'oreille humaine moyenne ne perçoit les sons que dans une certaine plage de fréquences située environ (selon l'âge, la culture, etc.), entre 16 Hz (en dessous les sons sont qualifiés d'infrasons) et 20 kHz (au-delà les sons sont qualifiés d'ultrasons);
- le chat peut percevoir des sons jusqu'à 25 kHz;
- le chien perçoit les sons jusqu'à 35 kHz;
- la chauve-souris et le dauphin peuvent percevoir les sons de fréquence 100 kHz.
Certains animaux utilisent leur aptitude à couvrir une large bande de fréquences à des fins diverses :
- les éléphants utilisent les infrasons pour communiquer à plusieurs kilomètres de distance;
- les dauphins communiquent grâce aux ultrasons;
- les chauve-souris émettent des ultrasons (~80 kHz) avec leur système d'écholocation leur permettant de se déplacer et de chasser dans le noir total.
LES ARMES NON LÉTALES
par
David HUMAIR (*)
et
Christophe PERRON (**)
Le développement d’un armement et de concepts d’emploi de force non
létaux constitue indéniablement une tendance importante dans le domaine
militaire. Plusieurs pays, sous l’impulsion américaine, ont entamé des programmes de recherche sur les technologies militaires non létales et réfléchissent à leur engagement dans le spectre des opérations militaires. Si les forces de police utilisent depuis quelque temps déjà certaines capacités non
létales, dans le domaine du contrôle de foule notamment, l’intérêt accru des
forces armées pour les possibilités multiples de l’armement non létal est plus
récent. Les principales raisons de cet intérêt sont triples.
Premièrement, l’omniprésence des médias sur le champ d’opérations sanctionne rapidement le recours disproportionné à la force létale, puisque
l’excès est sans retard perçu par les téléspectateurs du monde entier, choqués par l’expression visuelle de la mort violente. La couverture médiatique
de la première guerre du Golfe, principalement télévisuelle, aura certainement été la «pierre angulaire dans l’histoire de la non-létalité» (1) : les images
désormais célèbres de la fameuse «Highway of death», où les aéronefs alliés
avaient réduit à néant des colonnes entières de véhicules et de soldats iraquiens fuyant le Koweït, ont choqué une partie importante de l’opinion
publique américaine et ont certainement eu un poids significatif dans la
décision de cesser les hostilités. En effet, dans une démocratie, le soutien de
l’opinion publique est une condition essentielle de la poursuite de l’effort
militaire et tout porte à croire que l’opinion publique est généralement hostile aux actions disproportionnées. Ainsi, ce facteur médiatique, que certains commentateurs américains ont qualifié de manière illustrative le
«CNN factor» (2), est devenu un aspect important de la planification mili-
(1) Major Mark R. Thomas, Non-lethal Weaponry : a Framework for Future Integration, Air Command
and Staff College, Air University, 1998, AU/ACSC/279/1998-04, p. 12, disponible sur le site Internet
www.fas.org/man/dod-101/sys/land/docs/98-279.pdf.
(2) Cf. par exemple Frank J. Stech, «Winning CNN Wars», Parameters, aut. 1994, pp. 37-56, disponible
sur le site Internet carlisle-www.army.mil/usawc/Parameters/1994/stech.htm.
(*) Collaborateur scientifique à l’état-major de planification de l’armée en Suisse.
(**) Ancien collaborateur scientifique à l’état-major de planification de l’armée en Suisse.
les armes non létales 727
taire et contraint, dans une large mesure, au respect du principe de proportionnalité dans la conduite des hostilités codifié en particulier dans le premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève (3) : ce principe pose
qu’il faut préférer blesser à tuer, capturer à blesser et laisser libre à capturer. L’emploi d’armes non létales peut donc être un moyen efficace de minimiser l’impact des hostilités sur l’opinion publique et de respecter l’obligation juridique de proportionnalité.
Deuxièmement, d’une perspective occidentale, la nature de l’engagement
militaire a évolué : on n’assiste moins à des guerres interétatiques où
s’entrecroisent les glaives modernes des soldats citoyens et où le militaire
ennemi n’est que l’instrument de la stratégie d’un Etat, instrument qu’il est
légitime d’éliminer dans les limites du droit international; les conflits
actuels reflètent plus souvent les guerres occidentales du passé, intra-étatiques ou interethniques, caractérisées par l’effondrement de l’ordre civil. En
conséquence, que ses desseins soient la poursuite d’intérêts particuliers ou
des considérations humanitaires, l’action militaire occidentale s’inscrit
désormais essentiellement dans le cadre de l’intervention d’ingérence dans
laquelle l’intervenant se voit contraint de maintenir, compléter, rétablir ou
instaurer un ordre quasi civil. En outre, le théâtre des opérations prend de
plus en plus place dans les régions urbaines, denses en constructions et
population. Dans cette optique, il est manifestement avantageux, premièrement, de tirer profit des infrastructures existantes plutôt que d’assumer
les coûts exorbitants de reconstruction et, secondement, d’aliéner au minimum la population civile dont la coopération est indispensable à l’accomplissement de l’objectif politique. Or, l’une des particularités marquantes du
contexte d’intervention est l’absence de distinction claire entre combattants
et non-combattants : les forces armées intervenantes se trouvent dans la
délicate situation de ne pouvoir clairement identifier l’ennemi et de devoir
respecter des règles d’engagement toujours plus pointues, ne laissant que
peu de place à l’erreur en raison de la présence des médias. L’emploi
d’armes non létales offre aux commandants des possibilités supplémentaires
non négligeables d’éviter dans une large mesure les dégâts coûteux aux
infrastructures et de discriminer plus adroitement dans l’usage de la force
létale entre combattants et non-combattants, sans toutefois compromettre
la sécurité des propres troupes ou le succès de la mission.
Troisièmement, les progrès technologiques de ces dernières années ont
permis d’envisager, dans le domaine civil comme militaire, des possibilités
qui, il y a quelques décennies, eussent paru incroyables. Les programmes de
développement d’armes non létales n’auraient probablement pas pu bénéficier de l’essor qu’on leur connaît si ces avancées technologiques n’avaient
pas eu lieu. S’il est certainement vrai que les possibilités technologiques
(3) Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux (Protocole I) du 8 juin 1977.
728 david humair et christophe perron
peuvent créer le besoin, le lancement du programme américain de développement d’armes non létales semble avoir eu un effet multiplicateur sur la
recherche mondiale dans le domaine. Quand bien même la plupart des
armes non létales destinées à l’usage militaire sont encore en voie de recherche et de développement ou en phase de test, certaines armes font cependant déjà partie des moyens à disposition des contingents militaires pour
l’instruction ou l’engagement.
Cet article, extrait d’une analyse de la Division de la planification prospective du Département de la défense suisse, propose un aperçu de quelques
aspects du développement de l’armement non létal. Il traite tout d’abord
de la définition de l’armement non létal, puis établit un catalogue des fonctions militaires que les armes existantes ou en phase de développement doivent remplir, avant de présenter quelques critères essentiels de l’engagement des armes non létales dans le contexte militaire. Comme le droit
international limite fortement le développement de certaines armes non
létales, en particulier les armes biologiques et chimiques, des considérations
juridiques sont discutées dans un chapitre final.
Qu’est-ce qu’une arme non létale?
L’expression «non létal» semble avoir un sens univoque : qui ne tue pas.
Dans le domaine de l’armement, la réalité est cependant quelque peu plus
complexe, car presque tout objet peut provoquer la mort si l’usage dont il
en est fait ne correspond pas au but pour lequel il a été créé. Par exemple,
il est possible de tuer un tiers au moyen d’une fourchette, même si le but
de celle-ci est de servir d’outil pour manger.
Le Département à la Défense américain a donné une définition des armes
non létales qui sert de base, mutatis mutandis, à tous les projets militaires de
développement dans ce domaine; cette définition lie la qualité d’arme non
létale non pas aux effets produits par l’arme elle-même, mais à l’intention du
concepteur de l’arme et à celle de son utilisateur de mettre hors d’usage des
personnes ou du matériel tout en minimisant le risque de létalité : «non-lethal
weapons that are explicitly designed and primarily employed so as to incapacitate personnel or materiel, while minimizing fatalities, permanent injuries to
personnel, and undesired damage to property and the environment. 1. Unlike
conventional lethal weapons that destroy their targets principally through blast,
penetration and fragmentation, non-lethal weapons only employ means other
than gross physical destruction to prevent the target from functioning. 2. Nonlethal weapons are intended to have one, or both, of the following characteristics :
a. they have relatively reversible effects on personnel or materiel; b. they affect
objects differently within their area of influence» (4). Il ressort clairement de
(4) Department of Defence, Policy for Non-Lethal Weapons, 3000.3 ASD (SO/LIC), 9 juillet 1996.
les armes non létales 729
cette définition que la létalité zéro n’est pas requise : si l’arme est employée
correctement et avec l’intention qui correspond à la destination de l’arme, elle
doit permettre de diminuer sensiblement la probabilité de causer la mort ou
des lésions permanentes. Ainsi, en termes juridiques, la définition n’impose
pas d’obligation de résultat : l’absence de létalité repose sur une intention de
conception.
La définition adoptée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord
va dans le même sens, l’élément intentionnel étant encore mis plus explicitement en évidence, même si celui-ci ne se rapporte qu’à la conception de
l’arme et non à l’utilisation de l’arme : «les armes non létales sont des armes
spécifiquement conçues et mises au point pour mettre hors de combat ou
repousser le personnel, avec une faible probabilité d’issue fatale ou de lésion
permanente, ou mettre hors d’état le matériel, avec un minimum de dommages
non intentionnels ou d’incidences sur l’environnement» (5).
Ces deux définitions, en tant qu’elles rattachent la non-létalité presque
exclusivement à l’intention qui anime le concepteur de l’arme et non au
résultat réel de son utilisation, laissent une large marge d’appréciation aux
militaires. Cette marge d’appréciation rend l’emploi de l’expression «non
létal» difficilement compatible avec le maintien de l’ordre public assuré par
la police. Les forces de police américaines, rompues aux armes incapacitantes depuis de nombreuses années déjà, refusent l’appellation «non létal» et
lui préfèrent l’appellation moins contraignante «moins létal» ou «moins que
létal»; la raison en est essentiellement juridique : dans le contexte très contraignant de l’ordre juridique américain, comme dans celui des démocraties
occidentales, le recours à la force est soumis à un régime strict et les abus
font régulièrement l’objet de poursuites judiciaires; l’appellation «moins
létal» offre une protection juridique plus évidente aux policiers, car elle
admet l’éventualité d’un résultat que la conception de l’arme ne peut
exclure. Stricto sensu, la qualification «non létal» signifie que la mort ne
peut être le résultat de l’usage de l’arme : un éventuel décès d’une personne
cible devrait donc être la conséquence d’une erreur de conception ou d’une
faute de l’utilisateur.
Cette marge d’erreur est inhérente au développement des armes non létales. Lorsqu’une arme létale est développée, il est relativement aisé de déterminer son seuil de létalité et de prédire ses effets sur une personne
humaine : dans le domaine de la balistique, par exemple, les calculs et les
simulations de laboratoire peuvent aisément être confirmés par des tests
pratiques sur des matériaux présentant des propriétés proches de celles du
corps humain; si l’effet de l’arme est létal sur une structure très résistante
à l’impact, il le sera aussi sur une structure moins résistante. Dans la
(5) Politique de l’OTAN sur les armes non létales du 13 octobre 1999, chiffre II, disponible sur le site
Internet www.nato.int/docu/pr/1999/p991013f.htm.
730 david humair et christophe perron
recherche sur la non-létalité, la tâche est sensiblement plus complexe, car
l’arme doit assurer des effets non létaux sur des hommes comme sur des
femmes ou sur des enfants, sur des personnes en bonne santé comme sur des
malades : si l’on demeure dans l’exemple de la balistique, un impact non
létal sur un homme en parfaite santé peut tout à fait être fatal pour un
enfant en bas âge ou une personne âgée; une arme pourra produire des
effets non létaux à une distance de cinquante mètres, mais létaux à une distance d’engagement réduite. Le dosage des effets de l’arme doit donc être
précisément déterminé pour assurer des effets incapacitants tout en évitant
l’issue fatale. Ainsi, le problème fondamental auquel sont confrontés les
fabricants d’armes non létales est celui de la prévisibilité des effets sur l’être
humain (6). Or, les essais pratiques sur l’être humain sont évidemment particulièrement difficiles à entreprendre. Garantir la non-létalité d’une arme
paraît dès lors presque impossible.
De nombreux spécialistes incluent la guerre psychologique (PsyOps) et la
guerre électronique ou de l’information (information warfare) dans l’appellation «armes non létales». S’il existe effectivement des parallèles potentiels
importants entre les armes non létales au sens étroit et les moyens de guerre
psychologique ou électronique, notamment quant à la non-létalité des effets
ou dans le fait que des armes non létales puissent être des moyens dans la
conduite de ces opérations, les deux méthodes mentionnées ne sont pas, au
sens des auteurs de cet article, des armes spécialement conçues pour mettre
hors de combat le personnel ou le matériel avec une faible probabilité
d’issue fatale ou un minimum de dommages non intentionnels. L’expression
«arme non létale» est ici utilisée car elle correspond à l’acceptation commune des spécialistes occidentaux et russes; il ne sera pas tenu compte des
moyens assimilés aux armes non létales que constituent la guerre psychologique et la guerre électronique ou de l’information.
Les fonctions militaires
des armes non létales
Les scientifiques ont pour habitude de catégoriser les armes non létales
en fonction du type de technologie à la base de l’arme. Ainsi, il peut par
exemple être différencié entre armes cinétiques, biologiques, chimiques,
acoustiques, etc. Le juriste peut classer les armes en fonction de leur compatibilité avec les différentes conventions internationales qui fixent des
limites aux types d’armes utilisés dans les conflits. Le militaire, quant à lui,
préférera une classification basée sur les capacités fonctionnelles des armes
non létales.
(6) L’OTAN a créé un groupe d’étude spécialement consacré à la recherche sur les effets sur l’homme des
technologies non létales (HFM-073).
les armes non létales 731
Dans son Joint Concept for Non-Lethal Weapons du 5 janvier 1998 (7), le
Département à la Défense américain a identifié six capacités fonctionnelles
de base devant servir de guide pour la recherche et le développement
d’armes non létales. Ces six capacités de base forment deux groupes : les
fonctions antipersonnel et les fonctions antimatériel. John Alexander, l’un
des plus éminents spécialistes en matière d’armes non létales, désigne un
troisième groupe de fonctions : les fonctions anticapacité, soit celles qui permettent de neutraliser des installations ou des systèmes (un réseau de conduite ou électrique par exemple) ou d’empêcher l’emploi d’armes de destruction massive (. Nous examinons ici les fonctions-clefs des armes non
létales telles que délimitées par le Département à la Défense américain.
Fonctions antipersonnel
Contrôle de foules
Lorsqu’il est question d’armes non létales, on pense immédiatement aux
moyens engagés par les forces de police pour disperser des foules proches de
l’émeute. Or, partout où des militaires peuvent être engagés, le risque existe
de voir la population locale se soulever ou des groupes opposés à la présence
des soldats manifester de façon plus ou moins hostile. Le contrôle de foule,
autrefois essentiellement une tâche de police, est donc devenu un impératif
d’instruction militaire. Même si les cas les plus fréquents peuvent être
observés dans le cadre d’opérations de soutien à la paix, une troupe militaire peut également être appelée à devoir maîtriser une foule hostile lors
d’un conflit armé majeur ou lors de service d’appui à la police à l’intérieur
même de ses propres frontières.
Plusieurs types d’armes non létales sont conçus expressément pour le
contrôle de foule. Les principales sont : les jets d’eau à haute pression, les
gaz irritants, mais aussi, et plus récemment, les armes à micro-ondes (sensation de brûlures) et les armes à infrasons (nausées). On peut ajouter également le système PEP (Pulsed-Energy Projectile), en cours de développement, qui projette un faisceau laser provoquant une pulsation de magma à
l’impact.
Maîtrise de personnes
Les militaires doivent fréquemment procéder à l’arrestation ou à l’extraction d’individus. Cette mission peut, par exemple, être dirigée contre les
meneurs d’une foule en émeute, contre un individu défiant la garde ou
encore contre un agent d’une cellule terroriste dans le cadre d’une opération
(7) Accessible sur le site Internet www.fas.org/man/dod-101/sys/land/docs/NONLETH.HTM.
( John Alexander, «Non-Lethal Weapons to Gain Relevancy in Future Conflicts», National Defense,
mars 2002, disponible sur le site Internet www.nationaldefensemagazine.org/article.cfm?Id=747.
732 david humair et christophe perron
de forces spéciales. Dans le cadre d’une émeute, le recours à la force létale
risque d’engendrer une spirale ascendante de la violence : la non-létalité est
donc un argument important. Dans le cadre d’une opération spéciale, la
capture de la cible vivante permettra d’extraire des renseignements
précieux : à nouveau, la non-létalité est un argument capital.
Parmi les armes non létales déjà en service destinées à la maîtrise de personnes, il faut mentionner, entre autres, les armes à décharge électrique, les
grenades aveuglantes et assourdissantes (flash-bang), les gaz irritants, les
mousses ultra-gluantes et un moyen qui a fait ses preuves depuis longtemps, le filet.
Interdiction d’accès aux personnes
La garde d’ouvrage ou de secteur est une mission militaire de base, en
temps de paix comme en période de conflit. Les mines antipersonnel, jadis
un instrument apprécié pour interdire un secteur, sont tombées en disgrâce
en raison des effets indiscriminés qu’elles produisent, frappant parfois des
années encore après la fin du conflit.
Le développement d’armes non létales dédiées à l’interdiction d’accès permet de remplacer avantageusement les mines antipersonnel et d’améliorer
encore la capacité d’interdiction. On notera, parmi ces armes, les armes à
micro-ondes et les armes à infrasons.
Evacuation de structures
Les militaires redoutent le combat en zone urbaine : en effet, la densité
des constructions procure un avantage très net à l’occupant de structures;
en conséquence, le combat urbain est particulièrement meurtrier et le soutien aérien souvent peu adéquat, malgré le degré de discrimination impressionnant que les armes d’aujourd’hui sont capables d’atteindre. Il est
cependant souvent nécessaire de prendre une structure intacte afin de pouvoir l’utiliser pour ses propres troupes ou dans le but d’éviter sa reconstruction à la fin du conflit s’il s’agit d’une infrastructure-clef.
Quelques systèmes non létaux ont été développés ou sont en cours de
développement pour permettre d’évacuer des installations et des structures.
On peut mentionner ici les grenades aveuglantes et assourdissantes, les gaz
irritants et soporifiques, les armes à infrasons ou les armes à micro-ondes.
Fonctions antimatériel
Interdiction d’accès aux véhicules
Il peut être tactiquement décisif d’empêcher des véhicules de pénétrer
dans un terrain-clef ou de perturber les déplacements motorisés ou mécani-
les armes non létales 733
sés d’une formation en approche. De même, les interdictions de survol
aérien (no fly zones) peuvent assurer un avantage opératif concluant.
Les systèmes d’armes non létales suivants ont été développés ou sont en
voie de développement pour faciliter cette tâche militaire : les systèmes
émettant de très forts champs magnétiques stoppant tout système électrique, les systèmes épaississant les carburants ou les armes à micro-ondes.
Mise hors d’usage de structures ou de véhicules
Les armes dites «conventionnelles» utilisées contre des installations ou des
véhicules ont presque toujours comme conséquence la destruction physique
de la cible : la destruction physique d’installations, structures ou véhicules
entraîne généralement la mort inévitable d’un certain nombre de personnes
et des dommages collatéraux parfois importants. La recherche dans ce
domaine tente de proposer des systèmes d’armes permettant de mettre hors
d’état ces cibles, tout en réduisant au maximum le risque de dommages collatéraux.
Pour illustrer les efforts dans cette voie, on peut citer les armes à microondes, les systèmes à très forts champs magnétiques (neutralisation des servants de l’infrastructure), les gaz irritants ou soporifiques (idem). Il est également envisageable, grâce aux armes à fibres de carbone qui occasionnent
des courts-circuits sur les lignes électriques, de s’attaquer directement au
réseau électrique du pays cible et de perturber fortement son réseau essentiel de conduite.
Les principes régissant l’engagement
des armes non létales
Au vu des possibilités accrues d’épargner des vies et le matériel que présentent ces nouveaux types d’armes, il semble a priori souhaitable que
l’usage de l’arme non létale soit préférée à l’usage de l’arme létale et, en
conséquence, que les conditions du recours à la force létale soient définies
de manière plus stricte encore. Il se pose donc la question de la relation
entre l’emploi des moyens non létaux et des moyens létaux.
Un problème complexe
Lors de tout engagement militaire moderne, les commandants doivent
résoudre une difficile équation à trois paramètres essentiels : le succès de la
mission, la protection de ses propres forces et la limitation maximale des
pertes civiles et collatérales. Si le succès de la mission demeure le paramètre
décisif sur le plan militaire, la négligence des deux autres facteurs peut
influencer fortement la réalisation de l’objectif politique pour lequel l’action
militaire est déclenchée, en raison de la couverture médiatique et de son
734 david humair et christophe perron
impact sur l’opinion publique. La protection des propres troupes et le souci
d’éviter des pertes civiles ont donc vu augmenter leur poids relatif dans
l’accomplissement de la mission. Pour le commandant, cette nouvelle donne
impose une réflexion plus complexe quant aux moyens engagés et aux effets
de ces moyens : en effet, le souci d’accroître la protection de ses propres
troupes ne peut passer par l’élimination indiscriminée de toute menace
potentielle sans risquer d’ébranler les conditions politiques de l’action
militaire; inversement, en particulier dans un contexte où le combattant est
souvent indiscernable du non-combattant, le souci d’éviter complètement
les pertes non combattantes par la limitation du recours à l’arme implique
un risque accru pour les propres troupes et, en conséquence, pour les conditions politiques de l’action militaire.
La possession de moyens non létaux offre donc au commandant, tant au
stade de la planification de l’action qu’à l’engagement, de nouvelles options
pour concilier les trois paramètres de l’équation. Privé d’alternatives non
létales, le commandant de troupe confronté à une situation où l’ennemi
n’est pas clairement identifiable n’a que deux possibilités réelles d’action :
ouvrir le feu en utilisant son arsenal létal et tuer des non-combattants ou
ne pas agir et mettre en péril la sécurité de ses hommes ou l’accomplissement de la mission. Les armes non létales proposent au commandant une
solution intermédiaire permettant de répondre efficacement à la menace
sans toutefois recourir excessivement à la force létale; elles ne limitent pas
la liberté du commandant militaire dans son choix des moyens pour accomplir la mission, elles élargissent la panoplie des instruments à sa disposition.
Un exemple concret illustre pratiquement l’utilité des armes non létales.
Lors des opérations de l’ONU «Restore Hope» et UNSOM II en Somalie en
1992-1993, les troupes coalisées faisaient face à des situations souvent particulièrement difficiles. Le mandat de l’ONU leur donnait pour mission de
permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et de rétablir l’ordre dans
ce pays dévasté par les guerres claniques et le banditisme omniprésent.
Etant donné que l’intervention avait un but essentiellement humanitaire,
les règles d’engagement limitaient l’usage de la force létale aux situations
de légitime défense contre des individus portant une arme. Confronté à des
foules dans lesquelles se dissimulaient des miliciens armés, les soldats de la
paix se trouvaient dans la situation pénible de ne pouvoir engager leurs
armes sans risquer de blesser ou tuer des civils qui, bien que prenant activement part aux hostilités, ne constituaient pas des cibles «légales» selon les
règles d’engagement. Les foules somaliennes l’avaient bien compris et
jouaient en quelque sorte les «otages consentants» (9). Des moyens non létaux
pour le contrôle de foule, des gaz lacrymogènes ou d’autres armes incapacitantes telles que des canons à eau auraient probablement facilité l’accom-
(9) Colonel John B. Alexander, Future War : Non-Lethal Weapons in Twenty-First-Century Warfare,
Thomas Dunne Books, St. Martin’s Griffin, 1999, p. 22.
les armes non létales 735
plissement de la mission sans imposer des risques disproportionnés à la
sécurité des soldats ou à la vie des civils.
Trois principes d’engagement peuvent être déduits de l’équation de base
par rapport à l’engagement des armes non létales. Premièrement, l’engagement des armes non létales doit s’inscrire dans le continuum de l’emploi de
la force, soit être proportionnel à la menace. Ensuite, la possession d’armes
non létales ne doit pas limiter la liberté inhérente du commandant militaire
d’utiliser les moyens nécessaires pour accomplir sa mission : elles lui offrent
un choix de moyens complémentaires. Finalement, l’engagement d’armes
non létales n’est pas limité aux missions de maintien de la paix : il couvre
l’ensemble du spectre des opérations militaires.
Le continuum de l’emploi de la force
L’emploi de la force doit être proportionné aux circonstances. Dans le
cadre civil, cette règle s’illustre notamment par les notions juridique de légitime défense et d’état de nécessité, les seuls cas où le particulier est autorisé
à recourir à la force, y compris létale, pour préserver un bien juridique
supérieur ou équivalent. Elle est encore plus évidente pour les forces de
police, qui ne peuvent faire usage de leur arme de service que comme
moyen de légitime défense ou lorsque la vie de personnes est directement
ou indirectement mise en danger : ainsi, un policier ne pourra pas ouvrir le
feu sur le véhicule d’un malfrat qui vient de voler une voiture; il faut vraiment que la vie de quelqu’un soit en danger et qu’aucun autre moyen raisonnable ne permette de protéger cette personne. C’est la raison pour
laquelle les policiers font si rarement usage de leur arme et, par conséquent,
pour laquelle chaque incident dans lequel un policier a ouvert le feu fait
l’objet d’une enquête judiciaire et attire toute l’attention des médias.
Dans le cadre militaire, quand bien même la tendance à un plus grand
respect de la proportionnalité est manifeste et est la cause principale du
développement de capacités non létales, les choses évoluent à un autre
rythme. Les causes de cette différence ne sont pas l’objet de cet article,
mais il peut être remarqué qu’en l’absence d’autorité supranationale compétente pour connaître des violations du droit international des conflits
armés, le jus in bello, la sanction de l’usage disproportionné de la force
incombe aux parties en conflit, généralement peu enthousiastes à reconnaître les abus. En outre, lorsqu’un Etat est engagé dans un conflit armé, les
enjeux sont généralement considérés comme largement supérieurs à la vie
humaine et la mort de l’ennemi est une éventualité acceptable et parfois
même désirée.
Le principe de proportionnalité et les règles du recours à l’arme sont
cependant bien connus des militaires. A l’instruction, les soldats peuvent
apprendre à les mettre en pratique par des jeux de rôle dans lesquels ils doi-
736 david humair et christophe perron
vent répondre proportionnellement à la menace perçue (10); on utilise également des codes de couleurs pour indiquer le niveau d’intensité de la
menace et la réaction que celle-ci autorise du militaire. La relation menaceréponse s’inscrit donc dans le continuum de l’emploi de la force, l’expression
militaire du principe de proportionnalité. Ainsi, pour interdire l’accès à une
installation militaire, une présence physique déterminée suffira dans
l’immense majorité des cas : si un suspect s’approche trop près de cette installation, un avertissement verbal peut largement le convaincre de vaquer
à d’autres occupations; si ce même individu tente de passer outre la garde,
il pourra être repoussé physiquement; si le comportement de l’individu est
menaçant et que la sécurité de l’installation semble pouvoir être compromise, il pourra être fait usage d’une arme non létale, par exemple un instrument à décharge électrique, ou de l’arme principale mais sans ouverture
du feu; finalement, si cet individu se mute en agresseur et menace directement l’intégrité physique de la garde ou la sécurité de l’installation, il
pourra être fait usage de la force létale. Le graphique ci-dessous illustre le
continuum de l’emploi de la force.
Bien que le terme «continuum» suggère une succession d’étapes nécessaires avant l’usage de la force létale, le passage d’une menace diffuse à une
menace très aiguë peut être instantané. Par exemple, dans la situation
décrite dans le paragraphe précédent, un simple observateur peut soudainement sortir une arme et s’avérer une menace mortelle pour la garde : la
réaction de cette dernière devra donc immédiatement être proportionnelle
à la menace, sans que soit tenté au préalable de maîtriser l’individu par des
moyens non létaux. Le principe du continuum de l’emploi de la force est
également applicable aux états-majors aux niveaux opératif et tactique. En
effet, la planification de l’action doit tenir compte du principe de proportionnalité. Le concept de frappe chirurgicale en est un exemple évident :
dans ce contexte, la prise d’un terrain-clef pourra être assurée, voire facilitée, par l’engagement de moyens non létaux sans que la destruction physique des infrastructures ne soit nécessaire. Les armes non létales permettent
donc de tenir compte du principe de proportionnalité dans la planification
(10) Dans l’armée suisse, cette instruction est généralement donnée dans le cadre de la formation à la protection d’ouvrages.
Augmentation de la menace perçue par le militaire et réponse proportionnelle.
Les couleurs indiquent le danger ressenti par le militaire.
Croissance du danger et de la menace
Présence
physique
Menace
orale
Force
physique
Arme
non létale
Arme
létale
les armes non létales 737
de l’action ou de répondre directement à des menaces sérieuses, mais déjà
en deçà du seuil où l’usage de la force létale est autorisé.
Dans le contexte d’un engagement militaire occidental, notamment celui
d’une opération de soutien à la paix (PSO), le cadre juridique dans lequel
les forces armées doivent remplir leur mission est précisé par les règles
d’engagement (ROE), qui déterminent en particulier les conditions du
recours à la force létale. Le recours à la force non létale suit le même
principe : généralement, s’il s’agit d’une PSO, la force létale est réservée aux
cas de légitime défense ou aux situations dans lesquelles l’accomplissement
de la mission est impossible sans y recourir; or, dans bien des situations, il
est manifeste que le recours à la force létale est disproportionné par rapport
à la menace effective. Une foule de manifestants, même si elle tend à
l’émeute, peut généralement être contenue sans appliquer la force létale.
Dans le principe du continuum de l’emploi de la force, le seuil d’usage de
l’arme non létale doit donc être un cran plus bas que celui de l’arme létale
pour que celle-là constitue une alternative valable. Si le seuil de recours à
l’arme non létale est identique à celui de l’arme létale, en cas de doute,
même minime, il sera fait usage de l’arme létale, car ses effets sont malgré
tout plus connus, donc plus prévisibles. Toutefois, la différence de seuil doit
rester mince, car un recours abusif à l’arme non létale est également une
violation du principe de proportionnalité et constitue une infraction punissable. Ainsi, le recours à l’arme non létale doit aussi demeurer exceptionnel
et juridiquement clairement déterminé. Pour éviter les abus, une attention
particulière doit être mise sur la compréhension des ROE par les commandants et la troupe. Celles-ci doivent donc être simples, univoques et entraînées.
La complémentarité
Les armes non létales ne vont pas remplacer les armes létales : la guerre
purement non létale n’est certainement pas prête de voir le jour. Comme
mentionné au paragraphe précédent, les moyens non létaux offrent une
étape intermédiaire avant le recours à la force létale, mais cette étape intermédiaire, bien que désirable, n’est pas obligatoire car elle réduirait la liberté
du commandant d’utiliser tous les moyens nécessaires d’après son appréciation pour accomplir la mission dans les limites des règles d’engagement et
du droit international.
La doctrine des Etats-Unis et celle de l’OTAN sont claires sur ce point :
«le fait de disposer d’armes non létales ne limite en aucune manière le droit
et l’obligation intrinsèques d’un commandant ou d’une personne d’utiliser tous
les moyens nécessaires qui sont disponibles et de prendre toutes les mesures
d’autodéfense appropriées.»; «l’existence, la présence ou l’effet potentiel des
armes non létales ne constitue pas une obligation d’emploi de ces armes ni
n’impose une norme supérieure ou des restrictions supplémentaires au recours
738 david humair et christophe perron
à la force létale. Les forces de l’OTAN conservent dans tous les cas la possibilité d’un usage immédiat des armes létales conformément au droit national
et international en vigueur et aux règles d’engagement agréées.»; «les armes
non létales peuvent être utilisées en même temps que des systèmes d’armes
létaux pour accroître l’efficacité de ces derniers dans toute la gamme des opérations militaires.» (11) Les moyens non létaux complètent donc l’arsenal
déjà existant des moyens létaux et permettent de combler une lacune dans
le continuum de l’emploi de la force. Les principes d’emploi de la capacité
non létale à l’échelon tactique-technique doivent être traitées dans les règles
d’engagement applicables à la troupe concernée.
Il convient de souligner que certaines armes non létales produisent des
résultats que les armes létales traditionnelles sont incapables d’engendrer.
Par exemple, le système ADS (Active Denial System), capable de faire évacuer une infrastructure par l’émission d’un faisceau de radiations microondes d’une longueur d’ondes de l’ordre du millimètre qui procure une sensation immédiate de brûlure intense mais passagère chez les êtres vivants.
Dès lors, leur utilisation dans le cadre d’une opération, bien loin de servir
à «humaniser» le conflit, permet de donner un avantage décisif à la troupe
qui les engage en parallèle à des moyens létaux.
L’universalité
Le scénario le plus évident pour l’emploi de moyens non létaux est celui
du soutien à la paix, puisque la mission militaire se rapproche fortement des
tâches de police. S’il est manifeste que ce cadre assure le plus de possibilités
de publicité d’emploi et le plus grand éventail de missions dans lesquelles
les armes non létales offrent un complément décisif aux armes létales, il est
erroné de penser que l’engagement de moyens non létaux ne se conçoit que
dans ces missions. Les fonctions-clefs des armes non létales décrites au chapitre trois sont des fonctions essentielles de tout effort militaire, peu
importe le degré d’intensité du conflit ou la qualification de l’intervention
militaire. Les armes non létales peuvent également être utilisées pour
atteindre des effets au niveau stratégique, notamment pour paralyser le
réseau électrique ou de conduite de l’Etat contre lequel les opérations sont
conduites (12).
Les armes non létales peuvent donc être utilisées dans tout le spectre des
missions qui peuvent être confiées à une formation militaire. Ainsi, des formations de forces spéciales peuvent être amenées à préférer une arme non
létale, notamment lorsqu’il s’agit de collection de renseignement. On préférera sans doute mettre un ennemi hors d’état de nuire sans le tuer afin de
(11) Politique de l’OTAN sur les armes non létales du 13 octobre 1999, chiffre III, disponible sur le site
Internet www.nato.int/docu/pr/1999/p991013f.htm.
(12) C’est le concept de «paralysie stratégique», développé par le colonel John B. Alexander, op. cit.
les armes non létales 739
pouvoir l’interroger plus tard. De même, dans un conflit majeur, il peut être
préférable de mettre une infrastructure temporairement hors d’état pour
pouvoir la réutiliser plus tard afin d’éviter les coûts de reconstruction : par
exemple, un aéroport, cible militaire par excellence, peut être occupé par les
propres troupes afin de permettre l’établissement d’une base logistique
avancée. La guerre maritime n’échappe évidemment pas à la règle : il peut
être possible d’arraisonner un bâtiment sans devoir faire appel à des munitions explosives traditionnelles, notamment par l’emploi de micro-ondes à
haute puissance, capables de «griller» les circuits électroniques indispensables à la conduite du vaisseau (13). S’il est en revanche plus difficile d’envisager des moyens non létaux contre des aéronefs – leur mise hors d’état
impliquant probablement leur chute –, ces derniers sont l’un des vecteurs
principaux des armes non létales en développement.
Considérations juridiques
sur les armes non létales
Plusieurs instruments de droit international ont été établis pour limiter
les moyens de faire la guerre et de conduire les hostilités. Tous ces instruments ont un objectif commun : interdire les armes frappant de manière
indiscriminée ou provoquant des souffrances inutiles. A priori, comme les
armes non létales sont développées dans un but connexe, leur compatibilité
avec les conventions internationales ne devrait pas poser de problème
majeur. Or, en analysant les principaux traités relatifs au droit des conflits
armés ou relatifs aux armes, on constate que de nombreuses questions
demeurent irrésolues. Il ne s’agit point ici de proposer une analyse détaillée
de la légalité de chaque système d’armes non létales, mais, en analysant
deux exemples de conventions internationales concernées, d’exposer la complexité du problème.
Selon le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août
1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux
(Protocole I) du 8 juin 1977, les armes nouvelles doivent subir un test de
légalité avec le droit international (14). Les dispositions pertinentes du Protocole I sont données par l’article 35 et 51 : l’article 35 PA I interdit expressément les armes de nature à causer des maux superflus; l’article 51 interdit, quant à lui, les armes qui frappent sans discrimination. Même si tous
(13) Hilvert J. Fitski/Judith J.M. Dekker/Edwin R. Van Veldhoven, NLW Deployment in a Maritime
Scenario, in Non-Lethal Weapons : New Options Facing the Future, Frauenhofer Institut Chemische Technologie, Ettlingen, 2001.
(14) Article 36, Armes nouvelles : «dans l’étude, la mise au point, l’acquisition ou l’adoption d’une nouvelle
arme, de nouveaux moyens ou d’une nouvelle méthode de guerre, une Haute Partie contractante a l’obligation
de déterminer si l’emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle du droit international applicable à cette Haute Partie
contractante».
740 david humair et christophe perron
les Etats du monde n’ont pas encore ratifié le Protocole I, la pratique constante fait que ces normes ont rang de droit international coutumier et
même de jus cogens, un droit tellement fondamental qu’il est absolument
interdit d’y déroger. La Cour internationale de justice a confirmé le sens de
ces règles : certaines armes peuvent être illégales, qu’un traité particulier les
interdisent ou non (15); en tant que les armes non létales visent un but
similaire, il semble que les deux règles pertinentes au sein même du Protocole I ne s’opposent guère, in abstracto, à leur développement.
Cependant, le test de légalité ne se limite pas aux normes du Protocole,
il s’étend à tous les instruments internationaux auxquels la Haute Partie
contractante est partie. Parmi ces instruments, deux conventions sont particulièrement illustratives de la problématique : la Convention du 10 avril
1972 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage
des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction
(CIAB) et la Convention du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au
point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et
sur leur destruction (CWC).
Selon l’article premier de la CIAB, les Etats parties à la Convention
s’engagent à ne jamais et en aucune circonstance mettre au point, fabriquer, stocker, ni acquérir d’une manière ou d’une autre ni conserver : des
agents microbiologiques ou autres agents biologiques, ainsi que des toxines
quels qu’en soient l’origine ou le mode de production, de types et en quantités qui ne sont pas destinés à des fins prophylactiques, de protection ou
à d’autres fins pacifiques; des armes, de l’équipement ou des vecteurs destinés à l’emploi de tels agents ou toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés. Cette interdiction est absolue et, bien que la Convention ait été
rédigée alors que l’armement non létal n’était guère envisageable, elle ne
laisse aucune place au développement d’un armement non létal biologique.
En vertu de l’article premier chiffre 1 de la CWC, chaque Etat partie à
la Convention s’engage, entre autres, à ne jamais, en aucune circonstance,
mettre au point, fabriquer, acquérir d’une autre manière, stocker, conserver
ou employer d’armes chimiques. Le chiffre 5 du même article est directement topique en ce sens qu’il interdit l’utilisation d’«agents de lutte antiémeute en tant que moyens de guerre». L’article second définit l’«agent de lutte
antiémeute» comme «tout produit chimique qui n’est pas inscrit à un tableau
et qui peut provoquer rapidement chez les êtres humains une irritation sensorielle ou une incapacité physique disparaissant à bref délai après qu’a cessé
l’exposition». La CWC interdit donc l’emploi, en tant que moyen de guerre,
d’armes non létales dont l’agent incapacitant est un produit chimique. Pour
Malcolm Dando, «il demeure ainsi une zone grise avec différentes interpréta-
(15) Advisory Opinion of the International Court of Justice, Legality of the Threat or Use of Nuclear
Weapons, General List n° 95 (35 I.L.M. 809 [1996]), 8 juillet 1996, par. 78-79.
les armes non létales 741
tions de ce qui est permis. En somme, la question est de savoir où s’arrête la
notion de maintien de l’ordre et où débute celle de la guerre» (16). Selon
l’interprétation extensive de l’Administration Clinton, l’utilisation d’agents
antiémeute était donc interdite dans les cas où des combattants étaient présents, rendant cependant leur utilisation admissible lorsqu’une foule devient
émeutière en l’absence de combattants ennemis (17). L’engagement de
moyens anti-émeute chimiques avait en conséquence été autorisé pour la
Somalie et Haïti (18).
Il faut reconnaître cependant que, selon le droit international positif, les
armes non létales chimiques ou biologiques sont interdites dans le cadre du
conflit armé. Dès lors, deux cas de figure se proposent en relation avec les
armes non létales relevant de ces deux catégories technologiques : développement et engagement d’armes non létales dans le cadre légal actuel ou
modification des instruments internationaux dans le but d’autoriser le
développement et l’engagement d’armes non létales. Dans le premier cas, le
souci est de préserver l’intégrité et la portée normative de l’interdiction
générale des armes biologiques et chimiques; le risque est en effet réel que
certains Etats profitent de lancer des programmes d’armes létales prohibées
sous le couvert de programmes d’armes non létales et la classification des
programmes de recherche par les principaux Etats développant des armes
non létales n’est pas le meilleur moyen pour atténuer la perception de ce
risque : la conséquence de cette possibilité semble être que les armes non
létales ne doivent pas faire exception à la prohibition générale. Le second
cas, la modification des instruments internationaux pour exclure les armes
non létales, présuppose une double affirmation : les moyens de combat évoluent et vont continuer d’évoluer et les armes non létales ne doivent pas
tomber sous le champ d’application matériel des conventions topiques car
le but même de ces armes s’inscrit dans celui des conventions susmentionnées. Dans ce cas-là, les conventions ne doivent pas faire obstacle au développement des technologies biologiques et chimiques non létales et les instruments internationaux doivent être révisés pour tenir compte de ces
progrès technologiques.
Nous ne prenons pas position ici quant à la meilleure solution, mais il
faut en tous les cas éviter un cas de figure supplémentaire dans lequel des
(16) Malcolm Dando, «Les réalisations scientifiques et techniques et l’avenir de la Convention sur les
armes chimiques : le problème des armes non létales», in Forum du désarmement, La Conférence d’examen
de la Convention sur les armes chimiques, United Nations, 2002.
(17) Department of the Army, Concept for Non-Lethal Capabilities in Army Operations, Appendix C, C1,
TRADOC Pamphlet 525-73, 1er déc. 1996, disponible sur le site Internet www.fas.org/man/dod-101/sys/land/
docs/p525-73.htm.
(18) Il faut noter également que l’Executive Order américain 11 850 décrété par le Président Ford en
1975 permet, après autorisation présidentielle, l’emploi de moyens anti-émeute en cas de conflit dans les
situations suivantes : soulèvement de prisonniers de guerre; si des civils sont utilisés pour masquer des combattants et que des pertes civiles peuvent être évitées par l’engagement de ces moyens; opérations de sauvetage en zone isolée; protection de convois de l’échelon arrière contre des troubles civils, des terroristes ou
des groupes paramilitaires.
742 david humair et christophe perron
armes non létales biologiques ou chimiques seraient développées sans considération du cadre juridique international relatif au contrôle des
armements : ce serait probablement porter un coup fatal à la crédibilité du
système légal international de lutte contre la prolifération des armes biologiques et chimiques.
* *
*
Durant les dix dernières années, les armes non létales ont connu un essor
phénoménal. Grâce à l’initiative américaine, de nombreux pays et l’OTAN
ont entamé leurs propres programmes de recherche et l’industrie privée de
l’armement y a reconnu un nouveau marché très intéressant. Cet intérêt va
certainement continuer à croître, notamment grâce à la publicité créée par
la mise en service dans un proche avenir de plusieurs systèmes nouveaux
d’armes non létales. Si le besoin d’armes non létales est le produit de
l’omniprésence des médias sur le champ des opérations et du contexte dans
lequel les forces armées occidentales interviennent le plus souvent, à savoir
des situations où elles doivent en particulier renforcer l’ordre civil ou rétablir celui-ci et dans un environnement généralement urbanisé, c’est dès lors
principalement par rapport aux résultats qu’elles produiront en relation
avec ces deux critères que leur efficacité réelle doit être jugée. Quelques
expériences concrètes au niveau tactique ont déjà été faites, notamment par
l’armée américaine dans les Balkans (19), mais leur volume n’est pas encore
suffisant pour tirer des leçons générales et l’introduction des nouveaux systèmes d’armes nécessitera des études supplémentaires quant aux résultats
de leur engagement.
Au niveau stratégique, le développement d’armes non létales fonde aussi
des opportunités et des craintes parallèles importantes. Ainsi, on peut envisager des armes non létales permettant de neutraliser des segments entiers
de réseaux électriques ou de communication, entraînant la paralysie partielle ou complète de l’organisation d’un Etat, le fameux concept de paralysie stratégique (20). C’est là évidemment un formidable moyen de pression
politique que de posséder la capacité de contraindre un ennemi potentiel à
adopter un certain comportement déterminé avec un risque très faible de
victimes. La crainte parallèle est évidemment que ces moyens ne soient utilisés qu’en dernier recours, comme ultima ratio.
De nombreuses questions essentielles en relation avec les armes non létales restent ouvertes. Par exemple, la compatibilité de certains types de ces
armes avec le droit international, en particulier la Convention sur la prohibition des armes biologiques et la Convention sur la prohibition des armes
(19) John Alexander, «Non-Lethal Weapons to Gain Relevancy in Future Conflicts», National Defense,
mars 2002, disponible sur le site Internet www.nationaldefensemagazine.org/article.cfm?Id=747.
(20) Colonel John B. Alexander, ibid.
les armes non létales 743
chimiques, est un problème qui doit impérativement être résolu dans les
limites du droit international, non par sa négation. Les effets sur l’homme
et l’environnement des armes non létales, un domaine encore relativement
pauvre en données, doivent continuer de faire l’objet d’études approfondies,
tout comme les effets psychologiques et culturels des armes non létales sur
les personnes cibles mais également sur les utilisateurs d’armes. Seules ces
études pourront à l’avenir permettre d’assurer la prévisibilité des effets des
armes non létales, une carence actuelle par rapport aux armes létales.
Si le développement des armes non létales est, au sens des auteurs de cet
article, généralement positif, il ne doit pas faire oublier que les armes non
létales demeurent des armes et que celles-ci sont des instruments de guerre.
Et même si la guerre peut éventuellement être rendue plus «humaine», elle
reste la guerre.
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